Origine et histoire du Passage
Le passage du Grand-Cerf, passage couvert du 2e arrondissement de Paris, relie la rue Dussoubs (entre les nos 8 et 10) à la rue Saint-Denis (n°145) ; il est prolongé à l'est par le passage du Bourg-l'Abbé et à l'ouest par la rue Marie-Stuart, et ses entrées se situent également place Goldoni et rue Saint-Denis. Il abrite aujourd'hui des boutiques d'artisans, créateurs, décorateurs, de mode et de designers ainsi que des activités de communication, et est desservi par la station de métro Étienne Marcel. Le nom du passage évoque l'enseigne de l'ancienne hôtellerie du Grand Cerf qui occupait ce site avant la Révolution. Un passage ouvrant sur la rue Saint-Denis est attesté dès la seconde moitié du XVIIIe siècle ; il servait alors de débouché à l'hôtel du Grand Cerf, qui possédait une entrée rue Saint-Denis et une autre rue des Deux-Portes. En 1782, on a envisagé d'y installer l'Opéra-Comique. L'hôtel, propriété de l'administration des Hospices, fut vendu en 1812 à M. Hermain, puis acheté en mai 1825 par la compagnie bancaire Devaux-Moisson et Cie, qui transforma le lieu avant de le revendre en 1826 à Isidore Monier, déjà propriétaire d'une partie du site. Les sources ne précisent pas la nature exacte des travaux de 1825, mais le passage est ouvert à cette date ; un guide de 1831 le signale cependant « encore en construction » et il apparaît dans une liste de passages de 1835. Un ouvrage de 1837 le décrit comme « n'ayant rien de remarquable », rappelant qu'il avait jadis été admiré avant l'apparition des nouveaux passages. Au début des années 1830, le n°6 abritait le siège du journal L'Extra-Muros, où écrivait le poète et chansonnier Émile Debraux. L'architecture que l'on observe actuellement s'apparente davantage aux années 1845, période où le passage fut couvert par une grande verrière ; l'emploi de structures métalliques permit d'atteindre une hauteur exceptionnelle et d'aménager de larges surfaces vitrées au sommet des façades intérieures des boutiques. Le passage fut légué en 1862 à l'Assistance publique par l'héritier de la famille Monier ; à cette époque son revenu était de 87 217 francs pour une valeur estimée à 850 000 francs. Les revenus diminuant par la suite, il fut mis en location puis adjugé après 1882 à un certain Dejuean pour 94 500 francs, qui se retira en 1890 ; en 1896 le revenu n'était plus que de 52 627 francs, situation attribuée à un trop grand abandon de l'immeuble. Confrontée au coût des travaux, l'Assistance publique envisagea la vente et, après plusieurs tentatives, le passage fut enfin vendu en 1985, ce qui permit sa restauration et sa reconstruction à l'identique. Le Grand-Cerf a inspiré les architectes des passages du Goum et du boulevard Petrovsky à Moscou. Une séquence du film de Louis Malle Zazie dans le métro a été tournée dans le passage en 1960, et un épisode de la série télévisée Les cinq dernières minutes, intitulé Un cœur sur mesure et diffusé en 1981, y a également été tourné. Un documentaire, Les passages de Paris, réalisé par Marion Baillot et Claire Leisink, a été diffusé sur France 5 en décembre 2016. Depuis 2016, environ une vingtaine de commerçants du passage acceptent les paiements en bitcoin, ce qui lui a valu le surnom de « Bitcoin Boulevard ». Parmi les lieux de mémoire, l'artiste peintre Anne Français a vécu au 4 du passage, et la maison natale du homme politique Léon Blum se situe à proximité, au 151 rue Saint-Denis (anciennement n°243). Pour approfondir, on peut se référer aux travaux de Bertrand Lemoine, Bernard Marrey et Paul Chemetov, ainsi qu'à l'ouvrage de Guy Lambert sur les passages couverts.