Origine et histoire du Pavillon
Le château de Bagatelle, situé dans le bois de Boulogne aujourd'hui rattaché à Paris, est un pavillon de plaisance construit en 1777 par l'architecte François-Joseph Bélanger pour le comte d'Artois. Le pavillon, à l'exception des bâtiments annexes, est classé monument historique par arrêté du 31 janvier 1978, remplacé par un arrêté de classement plus complet du 20 décembre 2022.
Au début du XVIIIe siècle, une maison de fonction existait sur l'ancien chemin menant de Neuilly à l'abbaye de Longchamp ; concédée en 1716 à Louis-Paul Bellanger, elle passa en 1720 au duc d'Estrées, qui la fit remplacer par un pavillon dessiné par Pierre Mouret et rapidement choisi comme lieu de réunions galantes. Ce goût pour les fêtes et la dissipation expliqua l'appellation de « Bagatelle », terme désignant alors une chose frivole ou une construction d'apparat sans grande utilité. Après la mort de la maréchale d'Estrées, la propriété connut plusieurs propriétaires et locataires, dont la marquise de Monconseil qui y poursuivit les fêtes jusqu'à devoir s'en séparer en 1770 pour raisons financières ; la demeure changea encore de mains avant d'être acquise par le comte d'Artois en 1775.
Jugée délabrée, la maison fut remplacée par un nouveau château dont la construction, commencée en septembre 1777 et dirigée par Bélanger, fut menée avec une forte mobilisation d'ouvriers et livrée en très peu de temps pour l'inauguration de novembre 1777 ; la décoration et l'ameublement prirent deux années supplémentaires et le coût total, hors jardins, fut élevé. Bélanger dessina également le décor intérieur, réalisé par les ornemanistes Lhuillier, Dusseaux et Dugourc, et la devise latine « Parva sed apta » fut gravée sur le fronton puis déplacée au XIXe siècle sur la façade.
Le plan intérieur comprend au rez-de-chaussée six pièces — billard, salle à manger, deux boudoirs et un grand salon en rotonde sous un dôme — et un décor de stucs à sujets mythologiques et érotiques exécutés par Lhuillier. Le salon en rotonde, orienté au nord, s'ouvre sur huit arcades et présente des pilastres ornés de figures de l'Harmonie et de la Renommée, ainsi qu'un mobilier exécuté par les ébénistes Georges Jacob et Jean-Baptiste Boulard. Les boudoirs étaient décorés de panneaux peints par Callet et Hubert Robert, dont certaines œuvres se trouvent désormais au Metropolitan Museum of Art de New York ; une salle de bain réversible, aménagée dans un boudoir, illustre les aménagements d'époque. La chambre du comte présente un décor évoquant une tente de campement militaire, et des sphinges en marbre ornant la façade côté jardin auraient pu s'inspirer d'une maîtresse du prince.
La cour d'honneur, flanquée au sud par le bâtiment des Pages, les écuries et des pavillons de garde, ouvre sur un parc imaginé par le paysagiste écossais Thomas Blaikie pour le comte d'Artois et complété par Bélanger avec fabriques et sculptures. Sur quinze hectares furent créés des jardins anglo-chinois parsemés de fabriques — obélisque, pont chinois et palladien, maison du philosophe, chaumière, tente chinoise, hutte primitive, tombeaux et tours — dont la plupart, réalisées en matériaux légers, n'ont pas survécu ; subsistent toutefois les soubassements et les enrochements du grand rocher et de sa cascade, la glacière coiffée d'un belvédère et la grotte de l'étang des Cygnes noirs. De 1778 à 1782, des vases et statues, copies d'antiques, furent importés d'Italie et des marbriers réalisèrent bases et socles pour les ornements du château et du pont chinois.
Pendant la Révolution, le domaine fut utilisé pour des fêtes champêtres et le pavillon servit de restaurant ; en 1810 Napoléon Ier l'acquit et le fit restaurer « dans son état pompéien » pour le roi de Rome. Lors de la Restauration, Bagatelle revint au comte d'Artois puis passa au duc de Berry et au duc de Bordeaux, période durant laquelle fut créée une fausse ruine dite « de l'Abbaye de Longchamp ».
En 1835, Richard Seymour-Conway, futur marquis d'Hertford, acquit Bagatelle et agrandit le domaine à vingt-quatre hectares en rachetant des terrains voisins ; il fit remodeler le parc par Varé, qui simplifia le jardin à la française, créa un lac (aujourd'hui bassin des nymphéas), aménagea de vastes pelouses et un manège transformé depuis en roseraie, et fit édifier l'orangerie. Lord Hertford fit également remanier le château en y ajoutant un étage et un dôme dans les années 1860, fit installer une pompe à feu par Léon de Sanges, aménagea une nouvelle entrée ornée de grilles et de pavillons rocaille, et enrichit le parc de statues et d'une pagode issue de l'Exposition universelle de 1867.
Richard Wallace, héritier apparent et administrateur de la collection Hertford, poursuivit les acquisitions et la philanthropie ; il transféra une grande partie des collections à Hertford House, mena des travaux entre autres dans la cour d'honneur et fit édifier le « Trianon de Bagatelle ». Après sa mort et celle de sa famille, John Murray Scott recueillit une partie des biens et procéda à de nombreuses ventes, suscitant l'inquiétude quant au devenir du parc. La ville de Paris acheta Bagatelle le 12 janvier 1905 pour six millions cinq cent mille francs afin d'empêcher un lotissement, mais de nombreuses pièces et ornements avaient déjà été dispersés.
Au XXe siècle, le parc s'organise en trois secteurs complémentaires : au centre le jardin anglo-chinois de Blaikie et le parterre à la française le long de la terrasse, au nord le jardin anglais avec lac, grotte et pelouses, et au sud le jardin moderne de la ville qui comprend la roseraie, le jardin des iris, des massifs de vivaces, le potager et le jardin des Présentateurs ; c'est aussi l'origine du concours international de roses nouvelles créé en 1907. Si les jardins et la roseraie furent entretenus, le pavillon se dégrada progressivement jusqu'aux années 1970.
Un regain d'activité commença en 1977 sous l'impulsion de Jacqueline Nebout et de l'Association des Amis du parc et du château, qui menèrent d'importants travaux de restauration et organisèrent une centaine cinquante expositions et de nombreuses animations culturelles entre 1980 et 2002, parmi lesquelles l'exposition Henry Moore en 1992. La convention qui liait l'association à la mairie ne fut pas renouvelée en 2002, ce qui entraîna la dissolution de l'association et l'arrêt de la plupart des activités ; le château fut fermé au public, la mairie continuant toutefois d'autoriser des concerts.
En 2019 la Fondation Mansart a été chargée de la restauration et du réaménagement du château ; les travaux extérieurs ont débuté en mai 2021 et les décors intérieurs étaient programmés pour 2022, l'objectif étant la réouverture du bâtiment au public.