Origine et histoire du Pavillon de l'Arquebuse
Le pavillon de l'Arquebuse se situe à Soissons, dans l'Aisne. Il rappelle l'histoire des Compagnies d'Arc, d'Arbalète et d'Arquebuse, milices urbaines nées au milieu du XIVe siècle pour défendre les villes de Picardie et du Soissonnais. Cette institution est originaire du Soissonnais : l'abbé de Saint-Médard en était l'ordonnateur en France, et le monastère possédait les reliques de saint Sébastien, patron des compagnies. La compagnie de Soissons coexista avec celle de Laon, créée pour l'usage de l'arbalète lors de sièges et de délivrances de châteaux comme Sapanay, Roucy et Sissonne, et reçut en 1367 de Charles V des lettres d'exemption de taille pour vingt-cinq hommes choisis. Les privilèges accordés aux archers et arbalétriers se transmirent de père en fils et furent confirmés sous Henri III ; les arbalétriers étaient gouvernés par un roi ou un connétable, et la royauté de l'arbalète dura jusqu'en 1640 selon des comptes déposés aux archives municipales. En 1596, alors que Soissons restait fidèle à la Ligue, les bourgeois organisés en compagnies d'arquebusiers, commandés par un capitaine nommé Chocu sieur de Richemont, furent récompensés par le duc de Mayenne pour avoir gardé Soissons et Vic-sur-Aisne. En 1603 le duc de Mayenne favorisa la compagnie de l'Arquebuse et lui assigna comme lieu d'exercices une portion des remparts, depuis la tour Lardier jusqu'au bastion de Saint-André ; cette donation fut confirmée par le roi en 1606. Sur cet emplacement les arquebusiers établirent un tir, une salle de réunion et un bosquet planté en étoile, puis, après une extension de la compagnie aux dépens de l'Arbalète, on fit construire un pavillon en brique et pierre au début du XVIIe siècle (1626 ou 1636 selon les sources). Le bâtiment, en briques et pierres mêlées avec cordons verniculés et un haut comble d'ardoises, était orné de girouettes figurant des arquebusiers. Les travaux, financés par les communautés et corporations de la ville, durèrent près de cinquante ans. La grande salle était éclairée par dix grands vitraux représentant des sujets tirés des Métamorphoses d'Ovide, remarqués pour la qualité du dessin et la vivacité des couleurs ; l'auteur est nommé Pierre Jacheron (orthographié parfois Tacheron), maître-verrier soissonnais. Le jardin changea d'aspect en 1648 lorsque l'étoile de charmilles fut remplacée par de longues allées de tilleuls taillés en berceau avec un jet d'eau, et en 1672 la ville ajouta une terrasse ouverte sur la campagne. La grande porte décorée de trophées fut érigée en 1658 et la grille qui la fermait fut offerte par le maire Lévêque ; la construction de cette porte est aussi attribuée au maréchal d'Estrées. La compagnie procédait chaque année, le lundi de Pentecôte, à l'élection de son roi, exempté pendant son règne de la taille et des droits sur le vin jusqu'à concurrence de vingt-cinq muids. Au fil du temps les principaux bourgeois s'incorporèrent à l'Arquebuse, tandis que l'Arbalète tomba en désuétude et que l'Arc resta l'apanage des artisans. En 1673 Louis XIV visita le pavillon, admira les vitraux et demanda quatre panneaux pour son cabinet ; la ville offrit tous les panneaux mais l'opération n'eut finalement pas de suite. Au XIXe siècle le bâtiment servit de magasin à poudre et de dépôt d'armes, sous le nom de "Magasin du Génie". Les façades et les toitures de l'ancien magasin du Génie ont été classées au titre des monuments historiques par arrêtés des 19 juillet 1901 et 20 août 1913.