Origine et histoire
Le pavillon de La Muette, situé au nord de la forêt de Saint‑Germain‑en‑Laye dans la commune de Saint‑Germain‑en‑Laye (Yvelines, Île‑de‑France), est un ancien rendez‑vous de chasse construit pour Louis XV par l'architecte Ange‑Jacques Gabriel entre 1764 et 1775 sur les fondations d'un château antérieur. Le château primitif, élevé pour François Ier par Pierre Chambiges, présentait une silhouette très découpée de sept niveaux, dont un sous‑sol, un corps central carré destiné aux réceptions et aux pièces de vie, et quatre tours d'angle abritant de petits appartements, complété au nord par une chapelle et au sud par une cage d'escalier. Philibert Delorme l'avait surélevé pour aménager une salle de jeu de paume surmontée d'une terrasse‑belvédère en plomb, que Jacques Ier Androuet du Cerceau signala comme s'enfonçant rapidement et menaçant ruine. Abandonné dès le règne d'Henri II, le château apparaît largement écroulé dans une gravure de 1665 et fut rasé peu après.
En 1764 Louis XV commanda à Gabriel des plans d'un nouveau pavillon; après un premier projet avorté, l'architecte dessina en 1766 de nouveaux plans intégrant une rotonde octogonale surmontée d'une terrasse, en s'inspirant notamment du pavillon du Butard et en réutilisant les fondations du château précédent. Le projet fut complété par l'ajout, au sud, d'une vaste terrasse rectangulaire et d'une allée pavée, et par la construction d'une maison forestière à l'ouest, reliée ultérieurement à un bâtiment d'écuries. Sous la Restauration le pavillon servit aux parties de chasse et accueillit la famille royale et ses proches. Napoléon III y maintint un équipage de vénerie et y reçut à plusieurs reprises des invités, dont la reine Victoria et le prince Albert lors de leur visite du 25 août 1855. Une aquarelle d'Hippolyte Bellangé représentant cette réception et la présentation de la meute appartient à la collection de la reine d'Angleterre, et la reine exécuta deux croquis de l'équipage dans son carnet personnel.
Dans les années 1950 à 1970 le pavillon abrita le studio‑école de l'OCORA, institution de l'ORTF dirigée par Pierre Schaeffer chargée de former des cadres pour les radios des colonies. À partir du début des années 1980 le bâtiment sombra dans un état d'abandon avancé. Il a été acquis en 2014 par Frédéric Journès et l'artiste Hristo Mavrev à l'issue d'une procédure d'appel d'offres organisée pour le compte de l'Office national des forêts, puis cédé en 2019 à Emmanuel Basse et Benoît d'Halluin, qui ont lancé un programme de rénovation. Les premiers propriétaires avaient réalisé des travaux superficiels de dégagement et de sécurisation mais ceux‑ci se révélèrent insuffisants face à la mérule et aux infiltrations d'eau. Conseillés par l'architecte du patrimoine Florent Richard (cabinet Perrot & Richard), les nouveaux propriétaires ont engagé des interventions substantielles depuis 2020 : traitement contre la mérule, dépose et reconstruction intégrale de la toiture et de la charpente, remplacement des pierres attaquées et reconstitution des planchers effondrés. Des aménagements intérieurs (cheminées, boiseries, parquets, chauffage) sont programmés et l'ensemble des travaux doit s'achever en 2024 avec un aménagement paysager. Le pavillon est visitable sur demande, notamment à l'occasion des journées européennes du patrimoine.
Architectoniquement, le pavillon conserve en sous‑sol de vastes cuisines qui évoquent le réchauffoir du Petit Trianon. Au rez‑de‑chaussée, légèrement surélevé par rapport aux terrasses, un vaste vestibule central au sud et un salon à l'ouest conservent un pavement à cabochon; à l'est se trouvent un escalier et une pièce de service, et au nord le grand salon octogonal possède un parquet du XIXe siècle à motif étoilé. L'étage comprend deux chambres au sud et à l'ouest ainsi qu'une pièce de service. Au‑dessus du comble subsiste la terrasse‑belvédère aménagée au début du règne de Louis XVI, en très mauvais état : des feuilles de plomb de couverture trop larges se sont déchirées, entraînant infiltrations et dégradation des charpentes et des plafonds. Les extérieurs présentent une sobriété marquée par l'absence de fronton triangulaire, de sculptures et de bas‑reliefs, la présence de chaînes d'angles à bossages et de fenêtres cintrées sur fond rectangulaire autour de la rotonde, signature de Gabriel; ce parti pris de ligne épurée illustre l'évolution vers la sobriété des arts et de l'architecture à la fin du règne de Louis XV. Les plans anciens montrent une vaste allée circulaire plantée d'arbres aujourd'hui disparue; en revanche, la terrasse nord conforme aux plans originaux a été récemment dégagée.
L'édifice fait l'objet d'un classement au titre des monuments historiques dans sa totalité par arrêté du 7 avril 1921.