Origine et histoire de la Pierre Percée
La Pierre percée, parfois appelée Pierre des Érables, Pierre des Arabes ou Bogue de Gargantua, est un menhir troué implanté sur la commune de Draché en Indre‑et‑Loire. Haute d’environ 4 m, elle constitue le plus haut menhir encore debout du département et son orifice a donné naissance à de nombreuses traditions. Le monument se trouve au nord‑ouest de la commune, à proximité de Sainte‑Maure‑de‑Touraine et de Maillé, accessible par un chemin d’un tracé ancien qui sert de limite communale entre Draché au nord‑est et Maillé au sud‑ouest. À 90 m d’altitude, elle est plantée à mi‑pente d’une colline dont le sommet, à 106 m, se situe à 800 m au sud‑est, et elle est proche de la D910 (ancienne N10). Le menhir figure sur les armoiries de Draché ; initialement propriété privée, il a été acquis par le Conseil départemental d’Indre‑et‑Loire et classé au titre des monuments historiques par arrêté du 29 avril 1911. Mesurant près de 4 m de haut pour une base d’environ 1,70 × 1,40 m, ses faces les plus larges sont orientées est‑ouest. La partie enfouie n’aurait qu’environ 60 cm de profondeur et aucun bloc de calage n’a été observé. Le trou, situé à 1,40 m du sommet, mesure approximativement 25 × 20 cm et se trouve à plus de 2,50 m au‑dessus du sol ; il semble résulter d’une érosion différentielle d’une roche hétérogène. La pierre paraît être un calcaire meuliérisé, alors que les affleurements du secteur sont plutôt des tuffeaux ; certains auteurs la décrivent comme un spath calcaire du Turonien et l’on note la présence, un peu au sud, de colluvions présentant des faciès comparables. Lors de fouilles menées en 1910, on a mis au jour au pied du menhir des éclats de silex sans traces d’utilisation. Comme la plupart des mégalithes de la région, la Pierre percée est attribuée par certains à la fin de la période mégalithique, vers 2500–2000 av. J.‑C., tandis que d’autres archéologues proposent une fourchette plus large, 4000–2000 av. J.‑C. Le nom « Pierre des Arabes » relève très probablement d’une déformation phonétique de « Pierre des Érables » ; des traditions locales rapprochent aussi ce toponyme d’interprétations erronées liées à la bataille de Poitiers ou à la présence supposée de Sarrasins enterrés au pied du menhir. L’appellation « Bogue de Gargantua » apparaît comme une variante plus récente liée à la popularité du mythe rabelaisien. De nombreuses croyances populaires entourent l’orifice : on rapporte que des condamnés devaient y passer la tête avant l’exécution, que présenter la tête d’un enfant à l’ouverture assurait sa bonne santé et la protégeait des écrouelles, et que faire passer un bouquet garantissait la fidélité d’un serment. La pierre est depuis longtemps un lieu où les jeunes échangent serments, parfois un baiser à travers l’ouverture, et l’on attribue également des vertus protectrices aux fragments de lichen prélevés sur le monument ou à l’herbe cueillie à son pied. Sur le plan archéologique, l’élévation de ce type de menhir est rattachée à la culture d’Artenac, dernière phase du Néolithique local, caractérisée par une production lithique et céramique marquée et par des réseaux d’échanges à longue distance, visibles dans la région par l’emploi du silex du Grand‑Pressigny et la présence de nombreux vases. Certains indices, comme des poteries interprétées comme des faisselles, ont été opposés aux récits populaires d’apports culturels extérieurs, tandis que l’abondance de haches en pierre polie d’origine armoricaine et leur répartition le long des cours d’eau montrent l’importance des axes fluviaux, la Vienne étant située à quelques kilomètres du site. La situation du menhir à mi‑pente, sur des sols silico‑argileux et caillouteux dits « perruches », peut renvoyer à des choix d’implantation anciens, ces terres ayant pu être plus faciles à défricher avec un outillage rudimentaire. Des fouilles préventives menées en 2013 à Pussigny, non loin d’un autre menhir, ont livré du mobilier, des éléments de parcellaire et des trous de poteaux confirmant une fréquentation attribuée à la culture d’Artenac et l’importance de l’industrie du Grand‑Pressigny. Un aménagement délimité autour de la Pierre percée a été réalisé par le Conseil départemental, l’accès restant libre ; située en lisière de bois et dominant la plaine, elle demeure peu fréquentée et est souvent décrite comme un lieu propice à la contemplation.