Origine et histoire de la Place des Victoires
La place des Victoires, dédiée à Louis XIV lors de sa création, se situe au cœur du centre historique de Paris, à cheval sur les 1er et 2e arrondissements. De forme circulaire et d'environ 80 mètres de diamètre, elle ouvre, en partant du nord et dans le sens des aiguilles d'une montre, sur la rue Vide‑Gousset, la rue d'Aboukir, la rue Étienne‑Marcel, la rue Croix‑des‑Petits‑Champs, la rue Catinat et la rue La Feuillade. Troisième place royale édifiée à Paris, elle se distingue par sa construction autour d'une statue du roi et par l'ordonnance architecturale de ses façades, marquée notamment par des pilastres ioniques. Au début du XVIIe siècle, le quartier était occupé par des champs, des moulins et les fortifications de l'enceinte de Charles V ; des vestiges d'un moulin ont été mis au jour lors de fouilles en 1895. L'enceinte fut détruite sous l'impulsion du cardinal de Richelieu pour permettre l'extension du palais cardinal devenu palais Royal et l'aménagement d'un nouveau quartier où furent élevés plusieurs hôtels particuliers. Après la paix de Nimègue, le maréchal de La Feuillade commanda à Martin Desjardins une statue du roi, d'abord en marbre, puis un groupe en bronze destiné à occuper le centre d'une place. En 1683 la démolition de l'hôtel de Senneterre et d'autres bâtiments permit de dégager l'emplacement nécessaire ; la Ville de Paris ordonna alors la création de la place et les expropriations requises. Les caractéristiques de l'emprise furent fixées par un arrêt du Conseil du Roi et l'urbanisme fut confié à Jules Hardouin‑Mansart ; le tracé initial n'était toutefois pas un cercle parfait, la rue d'Aboukir interrompant légèrement la courbe. La place fut inaugurée en mars 1686, mais la statue originelle de Louis XIV fut renversée par les révolutionnaires le 13 août 1792 et fondue pour fabriquer des canons. Les quatre figures en bronze placées au pied de la statue, représentant des nations vaincues, furent démontées puis sauvées et ont circulé entre différents dépôts et collections avant d'aboutir au musée du Louvre. La place connut ensuite des monuments provisoires et successifs : une pyramide en bois portée par les révolutionnaires, puis la statue du général Desaix érigée sous le Consulat et l'Empire, enfin la statue équestre de Louis XIV installée après la Restauration. La statue de Desaix, réalisée en bronze à partir de pièces de canon et accompagnée d'un obélisque, suscita la polémique en raison de la représentation en nu héroïque ; elle fut retirée en 1814 et son bronze refondu. La statue actuelle, œuvre de François‑Joseph Bosio représentant Louis XIV à cheval, fut commandée après la Restauration et inaugurée en 1822 ; elle a été restaurée en 2005. L'ouverture ultérieure de voies, notamment la rue de la Vrillière (aujourd'hui rue Catinat) et le percement de la rue Étienne‑Marcel au XIXe siècle, a modifié la géométrie et la symétrie initiales de la place. Les façades ont longtemps respecté un ordonnancement strict avec arcades au rez‑de‑chaussée, un étage noble, des pilastres ioniques et un troisième niveau mansardé, mais les arcades ont été transformées en boutiques, principalement de prêt‑à‑porter de luxe. Les immeubles qui entourent la place sont principalement d'anciens hôtels particuliers : côté impair se trouvent notamment les hôtels Charlemagne, de Montplanque, de Soyecourt, Bauyn de Péreuse, l'emplacement de l'ancien hôtel où mourut Samuel Bernard et le nouvel hôtel de L'Hospital ; côté pair figurent les hôtels Bergeret de Grancourt et de Talmont, de Metz de Rosnay, de Prévenchères, Pellé de Montaleau, Gigault de La Salle et Cornette. Le sol de la place a été classé au titre des monuments historiques en 1962 et la statue de Louis XIV en 1992 ; les hôtels particuliers qui l'entourent sont également classés ou inscrits. Ces protections tardives n'ont pas empêché des surélévations et des reconstructions qui ont altéré l'uniformité originelle, en particulier dans les constructions élevées de part et d'autre de la rue Étienne‑Marcel. Un panneau « Histoire de Paris » situé à l'angle de la place et de la rue d'Aboukir présente son histoire au public. La place des Victoires a par ailleurs inspiré des études et des œuvres culturelles : Philippe Meyer y consacre un chapitre dans Paris la Grande, et la place apparaît dans plusieurs films, dont Le Château de Verre de René Clément, un segment de Paris, je t'aime de Nobuhiro Suwa, L'Arnacœur de Pascal Chaumeil, Place des victoires (2019), et elle est évoquée dans La Grande Vadrouille de Gérard Oury.