Origine et histoire de la Place Royale
La Place Royale se situe au cœur de Reims et mesure, selon les anciennes mesures, 33 toises sur 38. Elle occupe une partie de l’emprise du forum romain de Durocortorum et reprend les grands axes du cardo et du decumanus, ultérieurement partiellement comblés par des constructions appartenant en grande partie au chapitre de Notre‑Dame, dit Grand Credo, et à la paroisse Saint‑Michel. Au centre de la place s’élevait un monument dédié à Louis XV, œuvre de Jean‑Baptiste Pigalle ; la statue sommitale fut renversée à la Révolution et le bronze destiné à être fondu en canons, tandis que les sculptures du piédestal de Pigalle furent conservées. La statue actuelle, représentant le roi en empereur romain par Pierre Cartellier, a été élevée après ces événements et s’inscrit sur le même piédestal contenant les allégories de Pigalle. La place tient son nom de la présence de cette statue de Louis XV.
Le projet d’ouverture et d’aménagement du quartier du Grand Credo, motivé par la volonté de créer une perspective vers l’hôtel de ville et d’améliorer la circulation, a été approuvé par la municipalité puis validé par le Conseil du roi en 1755 ; après des oppositions du chapitre et de l’archevêque, le Conseil d’État débouta ces recours et les travaux purent commencer en 1758 sous la direction des Ponts et Chaussées Trudaine et de l’architecte Jean‑Gabriel Legendre. Les travaux, entamés au milieu du XVIIIe siècle, ont amené la construction des maisons bordant la place et d’un immeuble destiné à l’hôtel des Fermes, futur siège d’une sous‑préfecture. Les aménagements se sont poursuivis durant plusieurs décennies : le pavage date de 1766 et le monument initial à Louis XV fut inauguré en 1765, orné notamment d’allégories comme Le Génie du Commerce (dit Le Citoyen) et La Raison maîtrisant la Force. La partie ouest de la place fut achevée en 1788, après près de dix‑neuf ans de travaux.
Lors de la Révolution la statue royale fut abattue en août 1792 et divers dispositifs commémoratifs et transformations successives occupèrent le piédestal : une pyramide portant les noms des citoyens tombés à Valmy, puis un trophée, enfin d’autres monuments provisoires jusqu’à la pose de la première pierre du monument actuel en 1818, réalisée avec des marbres italiens initialement destinés à un autre ouvrage, et son inauguration solennelle en 1819. Au XIXe siècle et au début du XXe, la place a connu des débats récurrents sur le maintien ou le remplacement de la statue et a servi de lieu de marché aux fleurs ; le monument fut longtemps entouré d’une grille, enlevée vers 1910, ce qui facilita l’usage des marches par des sans‑abri appelés localement « les Louis XV ».
Les destructions de la Première Guerre mondiale ont affecté les hôtels bordant la place : seules les façades conservent majoritairement leur disposition d’origine, tandis que des surélévations ont altéré l’harmonie des étages supérieurs. L’unification architecturale de la place s’est achevée en 1910 avec la construction de l’immeuble d’angle sud‑ouest par la Société Générale. L’ensemble de la place, monument et sol compris, est inscrit au titre des monuments historiques depuis le 28 mars 1952 ; l’ancien hôtel des Fermes, qui abrite l’une des sous‑préfectures de la Marne et dont la partie gauche fut occupée par le magasin Dewachter frères à partir de 1884, fait l’objet d’une inscription distincte depuis le 19 août 1953.
Enfin, la place a servi en 1842 de point de référence pour la renumérotation des maisons de la ville : les numéros progressent depuis la place, les pairs étant attribués au côté droit et les impairs au côté gauche en partant de la Place Royale. Aujourd’hui la place est pavée et interdite au stationnement afin de restaurer une esthétique plus harmonieuse.