Origine et histoire du Pont-aqueduc
Le pont‑aqueduc d'Ansignan enjambe l'Agly au nord du village d'Ansignan et capte les eaux de la montagne dite "Serre de Verges" sur la rive gauche, à environ un kilomètre en amont. Installé sur les fondations d'un viaduc romain peut‑être ancien, l'ouvrage repose sur 29 arches et mesure 170 mètres de long, les arches s'élargissant à l'approche du fleuve ; les deux plus grandes enjambent le lit de l'Agly. Sur la rive gauche, le canal est d'abord porté par une murette puis par une série d'arcs d'ouvertures variées avant de franchir l'Agly sur quatre arches, deux larges et deux plus petites. Après le franchissement du fleuve, le parcours se poursuit sur deux arcs très élevés à faible ouverture, reliés par un mur à la rive droite où un chemin de terre passe sous la seconde petite arche, séparée de la première par une haute pile. Entre les voûtes qui franchissent l'Agly et le canal existe un passage voûté en berceau, aménagé pour les piétons et éclairé par des ouvertures pratiquées dans les murs latéraux. Les piles implantées dans le lit de l'Agly sont munies d'éperons triangulaires en amont et en aval. L'ouvrage est construit sur deux niveaux : le niveau inférieur, destiné aux piétons, cavaliers et petits chariots, ressemble à un tunnel éclairé par quelques ouvertures latérales ; le niveau supérieur constitue le canal aqueduc, toujours en service pour l'irrigation des terres de la rive opposée. Lors de sa construction, l'aqueduc a été orienté de l'amont vers l'aval, vers le nord‑ouest. L'origine et l'histoire de l'édifice restent incertaines : il s'appuie sur un pont romain peut‑être antérieur au IIIe siècle, des moellons ayant été datés entre 220 et 270 de notre ère. Certains chercheurs, comme Juliette Freyche, proposent que l'ouvrage primitif était un aqueduc alimentant les terres d'une villa romaine, tandis que d'autres évoquent un pont‑siphon, technique connue des Romains. Durant le haut Moyen Âge, un aqueduc fut élevé au‑dessus du pont initial, transformant le chemin inférieur en tunnel, et l'ouvrage a été remanié à plusieurs reprises, notamment aux XIIIe et XIVe siècles, pour atteindre sa configuration actuelle. Aucune découverte archéologique majeure n'explique complètement la présence et la forme de cet imposant édifice, qui reste cependant en usage pour l'irrigation des terres alentours. Vers 1906, Louis Abram a installé une turbine hydroélectrique dans un ancien moulin accolé au pont ; le bâtiment a été détruit dans les années 1970 lors d'une restauration, mais la base du moulin et les sorties d'eau sont encore visibles sur la rive gauche. Classé au titre des monuments historiques depuis le 19 avril 1974, le pont‑aqueduc a été retenu parmi les sites lauréats du Loto du patrimoine 2023 pour des travaux portant sur l'étanchéité du canal, la dévégétalisation, le calfeutrement des fissures et la reprise des parements des arches. L'originalité et la monumentalité de l'ouvrage ont suscité de nombreuses légendes locales : certaines le font remonter à des bâtisseurs gaulois, d'autres attribuent des remaniements à des moines ou aux Templiers, et d'autres récits plus fantaisistes lui prêtent des fonctions astronomiques ou des influences orientales. Louis Companyo soulignait le contraste entre ce vallon fertile, couvert de moissons et de prairies, et les terres plus pauvres alentour, reliant cette richesse à la nature du sol et à l'irrigation rendue possible par l'ouvrage.