Origine et histoire
Le pont Boutiron enjambe l'Allier en aval de Vichy, près du lieu-dit Boutiron, sur la commune de Creuzier-le-Vieux ; il relie Creuzier-le-Vieux (rive droite) à Charmeil (rive gauche) par la RD 27. Conçu et réalisé pour le Conseil général de l'Allier par l'ingénieur Eugène Freyssinet en collaboration avec l'entrepreneur François Mercier, il fait partie d'un programme comprenant les ponts du Veurdre et de Châtel-de-Neuvre, de même modèle ; Freyssinet avait auparavant réalisé une arche d'essai à Moulins. Édifié en 1912-1913 et inauguré en 1913, ce pont en béton armé met en œuvre pour la première fois les sections frettées connues sous le nom d'articulations Freyssinet ; il est toujours en service et inscrit aux Monuments historiques depuis le 1er octobre 2021.
Un premier ouvrage construit à cet emplacement à partir de 1854 remplaça le bac, mais il fut emporté par une crue en 1856 et reconstruit en 1857 ; ce pont suspendu à tablier en planches a servi jusqu'à l'intervention de Freyssinet. Après avoir vu la maquette du projet, Mercier proposa au département de remplacer trois ponts suspendus par des ouvrages en béton armé selon la conception de Freyssinet, le marché étant conclu avec ce dernier pour en assurer le contrôle.
L'expérience du pont du Veurdre, construit en 1911-1912, a fortement influencé la conception du pont Boutiron : le Veurdre comportait trois travées de 68 - 72,50 - 68 m et, après construction, les clés des arcs s'étaient abaissées de 13 cm, obligeant Freyssinet à reprendre le vérinage puis à bloquer les clés en coulant du béton. Ce constat de déformations différées du béton (retrait et fluage) l'amena à prévoir des dispositifs permettant d'ajuster les voûtes dans le temps ; le pont du Veurdre fut détruit le 7 septembre 1944.
Le pont Boutiron reprend la même conception que le Veurdre, avec l'ajout, à la naissance des arcs, de sections rétrécies qui autorisent une rotation limitée de la section par plasticité du béton, ce qui constitue les articulations Freyssinet. Le tablier a été décintré par vérinage des clés à mi-portée, puis les clés ont été bloquées. La construction fut compliquée par une crue en 1913 alors que les arcs venaient d'être coulés mais n'étaient pas encore définitivement pris ; malgré les mouvements du cintre, aucune fissure n'apparut dans le tablier, ce qui confirma le comportement plastique du béton pendant sa prise.
Le troisième ouvrage du programme, celui de Châtel-de-Neuvre, fut commencé en 1914 mais achevé seulement en 1923 en raison de la Première Guerre mondiale ; il fut dynamité à l'été 1940 par les troupes françaises.
Techniquement, le pont Boutiron est un arc en béton faiblement armé à trois travées inégales, aux portées de 67 m, 72 m et 67 m, et il présente des parapets préfabriqués ajourés analogues à ceux du pont du Veurdre. Le tablier, réalisé sur cintre général, a été décintré par vérinage des arches à partir des clés ; après l'expérience du Veurdre, des vérins pouvaient être prévus pour compenser les effets du fluage. L'économie de matière et la qualité des bétons se lisent dans la conservation des garde-corps en béton d'origine après près d'un siècle d'existence.
Pour préserver l'ouvrage, des travaux de renforcement des piliers ont eu lieu entre septembre et octobre 2012, entraînant la fermeture du pont et un coût de 315 000 euros. En août 2021 des portiques ont été installés pour empêcher le passage de poids lourds non autorisés : la circulation est interdite aux véhicules de plus de 3,5 tonnes et aux véhicules de plus de 3 m de hauteur.