Origine et histoire
Le pont Camille-de-Hogues, situé à Châtellerault sur la Vienne près de son confluent avec l'Envigne, est l'un des premiers grands ponts en béton armé de France et le premier dont la portée totale dépassa 100 mètres. Construit à l'initiative de Camille de Hogues, alors maire de la ville, il a été réalisé selon le système Hennebique, qui associe la résistance à la compression du béton à la résistance à la traction de l'acier. Réalisé par le bureau d'études de François Hennebique, l'ouvrage comporte trois travées de 40, 50 et 40 mètres et présente une structure classique d'arcs fusionnés avec le tablier, ce qui permet d'alléger la construction et de réduire les dimensions des fondations tout en limitant la hauteur de l'ouvrage et la pente des rampes d'accès. Dès 1879 et 1881, des habitants demandaient une passerelle pour desservir plus directement la Manufacture sur la rive gauche, le seul autre franchissement alors étant le pont Henri‑IV, situé à plus de 300 mètres en aval. Le 26 novembre 1897, le conseil municipal décida de lancer un concours pour la construction d'un nouveau pont et, au début de 1898, Maurice Dumas, agent de la société de François Hennebique, proposa un projet en béton armé. Le conseil municipal, attiré par l'économie de cette solution et conforté par l'avis favorable de l'ingénieur des Ponts et Chaussées, approuva le projet le 1er juillet 1898 ; le 30 novembre 1898, le ministre de l'Intérieur informa le préfet de l'acceptation du projet par le Conseil général des Ponts et Chaussées. Les fondations furent engagées à la mi-août 1899 ; le gros œuvre des arcs fut achevé le 5 novembre 1899 et le décintrement effectué le 15 décembre. Les épreuves de charge eurent lieu entre le 29 mars et le 5 avril 1900, avec le passage d'un rouleau compresseur de 16 tonnes, de six chariots de 8 tonnes et d'une colonne de 250 soldats marchant au pas cadencé. Mis en service en septembre 1900, le pont fut inauguré le 16 novembre 1900 sous le nom de Pont de la Manufacture et reliait la place de l'Angelarde à la rue Saint-Marc ; il fut ensuite parfois appelé Pont Saint-Marc. Dès 1902, des réparations du tablier furent nécessaires en raison de défauts de la chaussée en ciment, puis des fissures apparurent ; ces travaux se poursuivirent jusqu'en 1910 et d'autres interventions eurent lieu dans les années 1930. Le nom de Pont Camille-de-Hogues lui fut attribué en 1913 ou en 1919, en mémoire de Louis‑Camille de Hogues, décédé en 1907. En août 1944, l'armée allemande envisagea de détruire les ponts Henri‑IV et Camille‑de‑Hogues pour couvrir sa retraite, mais le 1er septembre l'ordre de les préserver fut donné par le général Georg‑Hans Reinhardt après l'intervention du sous‑préfet Marcel Wiltzer ; une plaque sur le pont Henri‑IV commémore cet épisode. Le pont a été classé au titre des monuments historiques le 22 novembre 2002 et a reçu simultanément le label « Patrimoine du XXe siècle ». Propriété de la communauté d'agglomération du pays châtelleraudais, il a subi une rénovation engagée en juillet 2006 et menée en quatre tranches jusqu'en 2009 pour lutter contre la carbonatation du béton et la corrosion des armatures, détériorations aggravées par un trafic quotidien de 2 000 à 3 000 véhicules. L'entreprise Renofors fut chargée d'arrêter le processus de carbonatation en réalcalinisant le béton dégradé pour restaurer sa capacité à passiver les armatures.