Origine et histoire du Pont de Seychalles
Le pont de Seychalles franchit la Durolle dans la vallée des Usines à Thiers et figure parmi les plus anciens ponts de la ville ; il est inscrit aux Monuments historiques depuis 1926. Il se trouve en bas de la rue Durolle et débouche au carrefour des avenues Joseph Claussat et Pierre Guérin et de la rue des Papeteries, cette dernière traversant le quartier dit « la Paillette » pour mener à la Vidalie. Le nom actuel « pont de Seychalles » apparaît sous la forme « pont de Seychal » sur des cartes postales anciennes et il est mentionné dans des documents de 1476 sous la même graphie. Le toponyme « Seychal » ou « Seychalles », fréquent en Auvergne, pourrait dériver du gaulois « sesca » (roseau) ou de l’auvergnat « Seychalhi », qui décrit un terrain en pente où l’eau ruisselle plutôt que de s’infiltrer, ce qui correspond au relief local.
L’existence d’un passage au lieu est attestée dès 1476, car le pont est devenu nécessaire lorsque l’essor de la ville médiévale autour de l’église Saint-Genès a créé des besoins de liaison avec la plaine. Jusqu’à la création d’une autre route au milieu du XVIIIe siècle, le pont permettait l’accès au grand chemin menant à Lyon, appelé dans les terriers « chemin de Thiart a Montguerlhe... a Cerviere et a Lyon » et qualifié localement de « route du fer » en raison des échanges de métal avec le Dauphiné. La voie stratégique était défendue en amont par le château de Montguerlhe et par des ouvrages urbains proches du pont, notamment la porte fortifiée dite « porte de Seychal », élément de la cinquième enceinte, et un corps-de-garde au croisement de la rue Durolle et de la rue des Murailles ; une porte antérieure, la « porte de Lyon », se trouvait un siècle plus tôt sur le même axe. Le secteur en amont du pont concentrait des activités industrielles : tanneries proches du pont et papeteries situées en amont des tanneries parce que celles-ci polluaient l’eau ; un terrier de 1476 mentionne onze ateliers de tannerie, neuf rive droite et deux rive gauche alimentés par le ruisseau de Soulers.
Bien que la présence d’un pont soit avérée en 1476, on ne peut affirmer que l’édifice actuel soit intégralement celui du XVe siècle ; la forme des deux arches en arc brisé suggère toutefois une construction à la fin du Moyen Âge, et la fourchette de datation s’étend du XVe à la première moitié du XVIIe siècle selon Marcel Prade. Des réparations du pont-levis en bois de la porte de Seychal sont documentées en 1654 et 1711, et d’importants travaux sur le pont lui-même ont eu lieu en 1753, 1756 et 1785. Le tablier a été élargi à la fin du XIXe siècle et son parapet maçonné remplacé par un garde-corps métallique toujours en place, des photographies anciennes permettant de constater ces transformations et les travaux de crépissage des parements.
Le pont a longtemps été intégré au tissu industriel de la vallée, donnant son nom à une usine voisine dite « usine du Pont de Seychalles » ou « le Paquebot », et le secteur a conservé une activité liée à la coutellerie jusqu’à la fermeture de l’usine Delaire à la fin du XXe siècle. Le lieu a également servi de décor de cinéma : une scène du film Les Choristes a été tournée en 2003 à proximité, au 68 rue Durolle, ancien établissement connu sous le nom « SERVOIS AUBERGISTE ». Aujourd’hui le pont constitue un des éléments majeurs de la vallée des Usines, qui cherche à se réinventer par des projets culturels et la réhabilitation d’anciens bâtiments industriels, avec par exemple le retour d’une production coutelière en 2021 avec l’installation d’une entreprise.
D’un point de vue architectural, le pont était couplé au dispositif défensif voisin et se compose de deux arches en arc brisé séparées par une pile implantée dans le lit de la Durolle. La pile présente un avant-bec et un arrière-bec destinés à mieux résister aux fortes crues de la rivière. Le dessous du pont a été associé à un barrage localement appelé « pavé » pour retenir l’eau d’un moulin ou d’un rouet en aval ; cette structure, aujourd’hui partiellement détruite, était appuyée sur la pile et apparaît sur des clichés anciens. Le tablier suit la pente de la rue Durolle et descend de la rive droite vers la rive gauche, avec une différence d’environ deux mètres entre les hauteurs des arches, ce qui a évité des remblais importants à l’amont. Les voûtes, les becs et le bas de la pile sont maçonnés en appareil régulier avec des moellons de granite bleu-gris vraisemblablement locaux, et une grande partie des parements est recouverte d’un enduit ; des clichés du XIXe siècle montrent toutefois les lits de pierres apparents. Le tablier, d’une largeur d’environ quatre mètres, permettait le passage d’attelages lourds ; aucun chargement limite n’est aujourd’hui indiqué, mais l’étroitesse de la rue et la pente restreignent l’accès des véhicules de grand gabarit.