Pont du premier chemin de fer (également sur commune de Saint-Priest-en-Jarez) dans la Loire

Pont du premier chemin de fer (également sur commune de Saint-Priest-en-Jarez)

  • 42270 Saint-Priest-en-Jarez
Crédit photo : Neantvide - Sous licence Creative Commons
Propriété privée

Période

2e quart XIXe siècle

Patrimoine classé

Le pont (cad. Villars AK 65 ; Saint-Priest-en-Jarez AK 2) : inscription par arrêté du 4 octobre 2001

Origine et histoire

La Compagnie du chemin de fer de Saint-Étienne à la Loire a construit et exploité la première ligne de chemin de fer commerciale d’Europe continentale, mise en service entre le Pont-de-l’Âne et le port d’Andrézieux et ouverte en 1827. Le projet s’inscrivait dans un vaste plan industriel pour le bassin stéphanois confié aux ingénieurs des mines Beaunier et de Gallois et contribua durablement au développement du bassin houiller, premier producteur français jusqu’aux années 1840. La multiplication d’opérateurs ferroviaires aux obligations disparates et aux difficultés financières favorisa toutefois la fusion des compagnies et, en 1852, leur réunion au sein de la Compagnie des chemins de fer de jonction du Rhône à la Loire.
Après la loi de 1810 et des relevés topographiques confiés à Beaunier, la perte des houillères belges et allemandes fit du bassin de la Loire une source majeure de charbon, nécessitant la modernisation des communications pour desservir notamment la sidérurgie et l’exportation par la Loire. Le transport par mulets puis par lourds chariots tirés par des bœufs détériorait les routes ; le canal de Givors, onéreux et limité au versant est, ne suffisait pas à résoudre ces difficultés.
Les ingénieurs des mines, plus sensibles aux machines à vapeur et aux voies ferrées après des voyages d’études en Grande-Bretagne, promurent le chemin de fer pour désenclaver le bassin ; Gallois est notamment reconnu comme l’un des initiateurs du projet. Plusieurs tentatives antérieures n’aboutirent pas, mais un voyage en Angleterre en 1821 par Beaunier, Gallois et Boggio conforta la décision de construire la ligne, Beaunier important des modèles et procédés.
Les demandes de concession déposées en 1821 furent fusionnées à la demande de l’administration. Les promoteurs soutenaient que l’établissement d’un « canal sec » rendrait plus aisée et moins coûteuse la liaison entre les lieux d’extraction et d’embarquement, soulagerait les routes, permettrait des expropriations nécessaires et abaisserait les prix du transport. Le rapport de Gallois fixait un tracé depuis le Pont-de-l’Âne suivant le Furan jusqu’à Andrézieux, soit 17 km plus 4 km d’embranchements, une voie posée en barreaux sur supports et une traction initiale par chevaux, avec un devis de 715 000 francs et un rendement prévu de 6 %.
Après avis de diverses instances locales et techniques, l’ordonnance royale accorda en 1823 la concession à un groupe d’actionnaires qui forma la Compagnie du chemin de fer ; le chemin de fer fut assimilé à un canal pour l’application des procédures d’expropriation, doté de prérogatives d’utilité publique, soumis à des tarifs perpétuels fixés et tenu d’assurer les transports qui lui seraient confiés. L’administration refusa la mise en concurrence et la révision décennale des tarifs, estimant que l’initiative et les études préparatoires ne pouvaient être reprises.
Le tracé approuvé reliait le Pont-de-l’Âne à Andrézieux en suivant les méandres du Furan et se dédoublait à l’embouchure pour longer la Loire, avec un embranchement vers le Treuil desservant des exploitations minières ; la ligne, bien que liée à Saint-Étienne par son nom, n’empruntait pas le territoire communal.
La société anonyme, constituée pour une durée longue avec un capital initial d’un million de francs et des actions dites « d’industrie » attribuées à Beaunier, vit son capital augmenté avant et pendant les travaux, mais le coût final excéda largement les estimations et fut complété par des avances des principaux actionnaires. Beaunier dirigea la construction et reçut des actions et une rémunération pour ses études et services.
Les expropriations nécessaires rencontrèrent une forte résistance, les travaux commencèrent en juillet 1825 et comprirent de nombreux ouvrages d’art, ponts, aqueducs, murs de soutènement et bâtiments de service. La construction, menée à économie pour limiter les coûts, suivit le relief afin d’éviter les grands ouvrages, mais la hausse du prix de la fonte et l’allongement des travaux firent grimper les dépenses à près de deux millions de francs.
Des essais publics eurent lieu dès juin 1826 et la mise en exploitation fut effective à l’été 1827. Le service initial reposait sur la traction hippomobile organisée en relais, la compagnie disposant d’environ 160 chariots et d’une quarantaine de chevaux affectés à différents relais ; un cheval pouvait traîner quatre chariots et, dans l’organisation décrite, la ligne permettait d’acheminer quotidiennement à Andrézieux quelques milliers d’hectolitres de houille, soit plusieurs dizaines de milliers de tonnes par an. La descente s’effectuait en environ deux heures et la remonte en quatre.
Pour développer le trafic, la compagnie passa des traités avec des sociétés minières et accepta des embranchements, certains nécessitant une déclaration d’utilité publique. Elle réduisit son tarif à la descente afin de concurrencer le roulage, mais les transbordements nécessaires rendaient parfois le coût final comparable à celui de la route. À partir des années 1840, la concurrence des houillères du Nord et de Belgique et l’amélioration des voies navigables limitèrent la croissance du trafic.
Le transport de voyageurs, non prévu à l’origine, fut instauré en 1832 par des commissionnaires utilisant des voitures routières hissées sur châssis ferroviaires ; plusieurs trains quotidiens assuraient la liaison, et la recette voyageurs restait modeste. L’emploi des chevaux occasionnait des détériorations de la voie, et des crues importantes pouvaient endommager ouvrages et lignes.
Sur le plan du matériel, la compagnie repoussa d’abord l’emploi des locomotives pour des raisons financières mais procéda à des essais puis à des achats à partir de 1843–1844 ; des machines de différents types furent mises en service, certaines trop lourdes ou insuffisantes, et l’administration limita d’abord l’usage des machines aux sections sans croisements routiers. L’introduction des locomotives conduisit à la construction d’un dépôt et d’un atelier et à la disparition progressive des dépenses d’écurie, mais révéla aussi la nécessité de renouveler des voies fortement usées.
Sur le plan financier, les comptes montrent une dépense d’établissement qui dépassa largement les prévisions et des dividendes modestes pour les actionnaires, tandis que la compagnie restait relativement saine par rapport à d’autres. Les conflits d’intérêts entre compagnies, les améliorations de la navigation et l’ouverture de nouvelles lignes pénalisèrent cependant la position commerciale de la ligne.
En 1852 la compagnie fut rachetée et réunie à ses voisines pour former la Compagnie des chemins de fer de jonction du Rhône à la Loire, opération qui concrétisa le projet initial de liaison entre la Loire et le Rhône mais imposa une rectification complète de la ligne pour l’adapter au matériel moderne.
Malgré ses défauts techniques et son caractère « empirique », cette première ligne joua un rôle essentiel pour le bassin stéphanois : elle facilita le transport du charbon, contribua à l’augmentation de la production houillère et profita indirectement aux industries locales. La mémoire de la compagnie est encore rappelée par un jeton de présence au conseil d’administration.

Liens externes