Origine et histoire
La Porte du Fort Mortier est une porte de ville liée au fort Mortier, une fortification du XVIIe siècle située dans le port rhénan de Neuf-Brisach (Haut-Rhin), sur la rive gauche du Giessen. Propriété de la commune de Volgelsheim, son accès est interdit ; les vestiges restent visibles depuis la route D52, près du silo à céréales du port.
Sur la rive droite du Rhin, Breisach am Rhein (Vieux-Brisach) fut longtemps le seul port et point de passage entre Bâle et Strasbourg ; dès 1279 des ponts permettaient d’atteindre l’île, défendue par l’Italiener Schantze, puis la rive gauche où était installé le Jacobs Schantze, ouvrage en bois entouré de palissades, fossés et ponts-levis. Ces deux ouvrages protégeaient la porte du Rhin de Breisach et furent améliorés successivement par Johann Bahl en 1614 puis par Mörhaüser en 1640 ; à cette époque le Jacobs Schantze présentait la configuration d’un ouvrage à cornes.
Après les traités de Westphalie (1648) et la prise de possession française du Brisgau, Vauban reconfigura les défenses : l’Italiener Schantze devint le fort Saint-Jacques dit fort des cadets et le Jacobs Schantze, appelé par Colbert la « demi-lune du bout des ponts », prit le nom de fort Mortier. Sur l’île fut également construite une ville fortifiée, Saint-Louis de Brisach ou Ville neuve de Breisach, qui se développa jusqu’à environ 500 maisons pour 1 500 habitants. Les traités de Ryswick (1697) rétablirent le Rhin comme frontière ; la ville neuve et le fort Saint-Jacques furent rasés lors de la restitution de Breisach.
Le fort Mortier fut alors « retourné » : plutôt que de défendre l’accès à Breisach, il devint une position avancée de la nouvelle ville fortifiée de Neuf-Brisach, située à trois kilomètres à l’est et achevée en 1702. Son architecture permit de croiser ses feux avec ceux de la citadelle de Neuf-Brisach et de contrôler les franchissements du Rhin ; une pièce d’artillerie pouvait tirer en direction de Neuf-Brisach en tir à barbette.
Le fort fut assiégé pendant la guerre de 1870, touché en plusieurs points et réparé sommairement. Après le conflit et l’annexion allemande, il fut intégré à la Feste Neuf-Brisach et un poste de TSF y fut installé en 1910. En 1940 il fut aménagé en casemate d’infanterie double du secteur fortifié de Colmar (ligne Maginot) et connut de rudes combats en 1940 et en 1945.
Architecturalement, l’ouvrage présente la structure d’une lunette pentagonale, avec la gorge et les deux flancs dirigés vers le Rhin et les deux faces orientées vers Neuf-Brisach. Les fossés inondables étaient fermés par deux batardeaux équipés d’un système anti-cheminement dit « dame ». En 1814 l’armement comportait une pièce de 12, deux mortiers de 10 et quatre pièces de siège ; la caserne pouvait loger 300 hommes et les casemates étaient réputées à l’épreuve des bombes de l’époque. À la fin des années 1970, alors encore facilement accessible, le fort servit de champignonnière.
La porte du fort, située sur le flanc nord-ouest de la lunette, est inscrite depuis 1932 à l’inventaire des monuments historiques ; elle était à l’origine surmontée d’un ouvrage de commandement remplacé vers 1909, sous l’annexion allemande, par un local casematé.