Origine et histoire
Située entre Toulouse et Castres, Puylaurens a joué un rôle majeur dans l’histoire du protestantisme aux XVIe et XVIIe siècles en accueillant, après son expulsion de Montauban, l’académie de théologie protestante qui en fit un foyer intellectuel. L’Académie de Montauban et de Puylaurens, université protestante fondée en 1598 à Montauban puis transférée à Puylaurens, fut supprimée par arrêt du conseil le 5 mars 1685. Le protestantisme s’introduisit à Montauban vers 1556 ; l’évêque Jean de Lettes y adhéra à la Réforme et, sous l’épiscopat de son successeur Desprez, le calvinisme se propagea rapidement. Après le traité de Nérac, les consuls de Montauban obtinrent l’autorisation du roi Henri III d’ouvrir un collège en octobre 1579, et le roi de Navarre confirma la construction et accorda une pension en décembre 1579. Les premiers cours eurent lieu dans des maisons particulières, notamment celle du pasteur Michel Bérauld au 9 rue Armand-Cambon ; la première pierre du collège de Navarre, situé au 12 de la même rue, fut posée en octobre 1597, la reine Marguerite accordant peu après une pension, et le collège ouvrit en 1598. La maison du pasteur au n°9 portait la devise Non Sibi au-dessus de l’entrée et le collège disposait d’une galerie au n°12 rue Armand-Cambon. Montauban présentait des atouts pour l’établissement d’une académie : une population largement favorable à la Réforme, la création d’églises réformées dans les environs, de bonnes communications vers l’Agenais, le Rouergue, l’Albigeois, Toulouse et Bordeaux, ainsi qu’un climat et des terres favorables. L’académie fut rattachée au collège en 1600 par les décisions du synode de Montpellier et inaugurée le 22 octobre 1600 ; le collège était alors divisé en sept classes, le principal étant l’un des sept régents. En 1600 le corps professoral comprenait notamment deux chaires de théologie occupées par Serres et probablement Michel Bérauld, des chaires de jurisprudence, de médecine, de mathématiques et de grec, un professeur d’hébreu probablement le ministre Tenant, et deux professeurs de philosophie, mais certaines chaires restèrent vraisemblablement vacantes et les ressources contraintes amenèrent à se concentrer d’abord sur l’enseignement de la théologie et de ses auxiliaires indispensables. L’académie disposait des vastes bâtiments du collège et n’avait besoin que de deux ou trois grandes salles pour les leçons, la bibliothèque et ses séances académiques. Malgré ses succès, l’académie dut céder du terrain politique et institutionnel : en 1629, la restauration du catholicisme à Montauban entraîna des revendications de l’évêque pour nommer les régents, et l’intendant proposa la création d’un collège catholique. Les réformés refusèrent de financer ce projet et cédèrent finalement la moitié du collège aux Jésuites, situation qui provoqua des tensions et des heurts entre élèves catholiques et réformés. En 1659 une émeute éclata autour d’un théâtre dressé par des élèves catholiques ; sous la conduite du ministre Gaillard, des protestants démolirent l’échafaud, des affrontements armés eurent lieu et les Jésuites furent assiégés, ce qui provoqua une répression sévère : la ville fut occupée militairement, des fortifications furent rasées, de nombreux citoyens furent arrêtés et punis, la représentation protestante au conseil municipal fut réduite et le collège attribué aux Jésuites. Par arrêt du conseil du roi du 12 décembre 1659 l’académie fut transférée en bloc à Puylaurens, où elle s’installa en 1660 et y demeura jusqu’à sa suppression en 1685 sans retrouver tout l’éclat qu’elle avait parfois connu à Montauban. Les tentatives de députés protestants à Paris pour obtenir des adoucissements échouèrent face aux délégués catholiques et aux appuis dont ils disposaient à la cour. À Puylaurens, l’académie connut cependant des périodes de prospérité, notamment lorsque les synodes provinciaux interdirent formellement l’envoi des enfants dans les collèges catholiques, ce qui provoqua une affluence d’élèves. Parmi ses professeurs figurèrent Jean Gominarc, Usson, Loquet, Trossières, Bon, Rainondou, Chabbert, Verdier, Théophile Arbussy, André Martel et le professeur d’hébreu Antoine Pérez. L’organisation pédagogique prévoyait, pour chaque école de théologie, deux professeurs de théologie (l’un pour les loci communes ou dogmatique, l’autre pour l’exégèse), un professeur d’hébreu, deux professeurs de philosophie et un professeur de grec ; ces enseignants formaient deux divisions distinctes — la division théologique, dispensant un cursus de trois ans, et la division des lettres, préparant en deux ans aux études théologiques — et la transition se faisait après un examen valant le titre de maître ès arts, mentionné sur les certificats de sortie. L’académie forma plusieurs élèves remarquables, dont David Martin, Paul Rapin-Thoyras, André Dacier, Pierre Bayle et Jacques Abbadie. La faiblesse des ressources entraîna la suppression des chaires de grec ; un synode national tenta leur rétablissement, mais le manque de fonds maintint cet enseignement dans une situation précaire. À la révocation de l’édit de Nantes, Antoine Pérez quitta le royaume et mourut à Londres en 1686. L’académie de Puylaurens fut la dernière des académies protestantes françaises à disparaître par l’arrêt du conseil du 5 mars 1685, quelques mois avant la révocation générale de l’édit de Nantes. La porte du siège de l’académie protestante, issue de l’ancien hôtel de Solignac de Puylaurens et remontée dans le jardin du temple, est inscrite au titre des monuments historiques par arrêté du 7 juillet 2015.