Origine et histoire du Potager du roi
Le potager du Roi, jardin potager de neuf hectares près du château de Versailles, a été créé en 1683 par Jean‑Baptiste de La Quintinie à la demande de Louis XIV pour alimenter la cour. Son sort évolue après la Révolution : successivement mis en location puis jardin d'application, il est exploité par l'École nationale supérieure d'horticulture de 1874 à 1995, puis pris en charge par l'École nationale supérieure de paysage de Versailles depuis 1995. Classé, avec le parc Balbi voisin, aux monuments historiques par arrêté du 15 mars 1926, il est reconnu Jardin remarquable et inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO en 1979 avec le parc de Versailles. Potager de château typique, il se situe à l'écart du parc, est entouré de hauts murs et destiné à la production alimentaire, contrairement aux potagers décoratifs intégrés à leur château. Sa surface de neuf hectares en fait le plus grand potager de France et le distingue par l'abondance de murs intermédiaires qui jouent le rôle de coupe‑vent, d'accumulateur de chaleur et de support pour des palissages formant de véritables tapisseries végétales. Ces murs, constitués de deux parements de moellons avec remplissage argileux, exigent un entretien du faîtage pour éviter que la pluie ne lessive l'intérieur et provoque des effondrements. Le potager fut aussi un jardin d'essais où l'on expérimentait amendements, sélection variétale, tailles, greffage, traitements, acclimatation d'espèces méditerranéennes ou tropicales, et forçage sous châssis, cloches ou serres afin d'obtenir des produits hors saison. La création a exigé la transformation d'un marécage proche de l'aile du midi du château : drainage, aqueduc souterrain, remblai apporté par la terre de la future pièce d'eau des Suisses et enrichissement des sols par de nombreux tombereaux de fumier issus des écuries. La grille du Roi, œuvre du serrurier Louis Fordrin et l'une des rares grilles d'origine de Versailles, donne accès au jardin depuis l'allée du Potager et a bénéficié d'une restauration soutenue par le Fonds mondial pour les monuments en 1993. Dans son Instruction pour les jardins fruitiers et potagers, La Quintinie relate les difficultés rencontrées et préconise des méthodes qui firent du potager une vitrine du savoir horticole français. À l'origine, de nombreux carrés étaient bordés de fruitiers taillés en gobelet, pratique moins contraignante que la taille en espalier, dont l'abandon systématique ultérieur a eu des conséquences durables. Le potager devait fournir en toutes saisons des fruits et légumes à la Bouche du roi, former des jardiniers et développer des techniques de culture novatrices pour améliorer qualité et productivité. La Quintinie y expérimenta et sélectionna près de 400 variétés légumières — laitues, épinards, oignons, choux, artichauts, poireaux, pois, tomates, aubergines, asperges, carottes, champignons de Paris, courges — et fit acclimater de nombreux fruits comme melons, cerises, fraises, figues, raisins, pommes et poires. Une partie du jardin était consacrée aux plantes médicinales et aux fleurs, et des plantes exotiques rapportées par les voyageurs, tels kakis et grenades, y furent acclimatées, les agrumes étant pour leur part réservés à l'Orangerie de 1686. Le potager a également été un terrain d'innovation technique : taille savante, choix de porte‑greffe, paillage, irrigation, utilisation massive de fumier, murs créant des microclimats, cloches de verre et serres chauffées au bois, munies des premiers grands vitrages fournis par la manufacture Saint‑Gobain. L'Instruction de La Quintinie, publiée à titre posthume en 1690, rassemble ces observations et méthodes et montre comment hâter ou retarder les productions pour assurer des fruits et légumes hors saison. Au XIXe siècle et au début du XXe, le potager devient jardin d'application et voit se développer des techniques comme le thermosiphon ; l'École nationale d'horticulture gère le site de 1873 à 1995, période durant laquelle le nombre d'arbres passe, selon Vincent Piveteau, de 1 500 à 15 000 en 1910. L'uniformisation de la taille en espalier pour renforcer l'aspect vitrine a considérablement augmenté la charge de travail et les coûts d'entretien, et des mutations dans la formation ont contribué à une pénurie de main‑d'œuvre et à un recul progressif du verger. Le jardin se compose essentiellement du grand carré central de trois hectares, consacré aux légumes et divisé en seize carrés autour d'un grand bassin circulaire servant de réserve d'arrosage, et d'une trentaine de jardins clos et vergers protégés par de hauts murs. Certaines terrasses entourant le bassin ont été aménagées en rampes pour faciliter la circulation et, au XVIIIe siècle, six murs furent supprimés dans la partie sud, réduisant le nombre de jardins clos. Depuis 1995, l'École nationale supérieure de paysage assure la responsabilité du potager, qui reste à la fois un lieu de formation, un jardin historique ouvert au public et un espace de production. Les méthodes mises en place depuis 1995 comprennent des approches permacoles et, à partir de 2015, l'arrêt de toute pulvérisation de traitements, y compris de produits « naturels », décision qui a entraîné des pertes importantes d'arbres et réduit le verger à 2 787 sujets lors du recensement de 2018. Le site compte aujourd'hui plus de 460 variétés fruitières sur quelque 5 000 arbres et produit annuellement 40 à 50 tonnes de fruits et 20 tonnes de légumes, dont une partie est vendue en boutique et au marché Notre‑Dame de Versailles. Ouvert au public depuis 1991 et recevant près de 40 000 visiteurs par an, le potager recherche des partenaires et des mécènes pour financer l'entretien et la restauration nécessaires à la conservation de cet ensemble horticole historique. Les choix de gestion récents ont suscité des controverses documentées par un Livre blanc et la presse, donnant lieu à des débats publics entre la direction de l'ENSP et des associations d'amis du potager ; en réponse, des travaux d'entretien des pieds d'arbres, des paillages et un programme de replantation d'espaliers visant la reconstitution progressive des palmettes ont été engagés, avec l'appui renouvelé du Fonds mondial pour les monuments pour les opérations de restauration à venir.