Origine et histoire de la Poterie
La poterie de Cliousclat, située dans le village éponyme en Drôme provençale (à 30 km au sud de Valence), est le dernier témoin d'une activité potière traditionnelle et est inscrite au titre des monuments historiques (PA26000002, 18 novembre 1997). Des traces d'activité y sont signalées dès le Xe siècle et, à partir du XVIIe siècle, les registres paroissiaux recensent des dizaines de potiers. Au XIXe siècle la commune comptait plusieurs fours — huit en 1806 — et la filière employait de nombreuses personnes : environ 50 en 1818, et, en intégrant les métiers indirects, jusqu'à 250 personnes selon les sources citées; à la fin du siècle l'activité se réduit, avec cinq maisons employant 24 ouvriers et 10 manœuvres en 1886, puis trois maisons et moins d'ouvriers par la suite. Au début du XXe siècle, Marius Anjaleras créa un atelier conçu pour regrouper sur un même site la préparation de la terre, le tournage, la cuisson, la décoration et le vernissage, rompant avec le modèle de fours dispersés dans le village; le bâtiment principal date de 1902. La fabrique acquit en 1919 le gisement d'argile dit "le Maupas" et le terrain du "Petit Maupas" pour alimenter et traiter la matière première : cette argile, de bonne qualité pour la vaisselle, est poreuse et nécessite un vernissage pour assurer l'étanchéité. La même année, Antonin et Numa Anjaleras prirent la suite de leur père sous la raison sociale Anjaleras-Frères, Numa abandonnant ensuite la gestion. Pour accroître la productivité, l'atelier se mécanisa en 1931 avec l'installation de deux chariots et de rails récupérés auprès d'une usine. Antonin transmit l'entreprise en 1964 à Philippe Sourdive, qui la dirigea jusqu'à son décès en 1978 ; ses fils Nicolas et Olivier assurèrent ensuite la gestion. Au XXe siècle la fabrique employa plus de dix personnes selon les témoignages, certains y travaillant pendant une grande partie de leur vie, et la production fit l'objet de reportages et d'entrées dans des collections publiques. L'atelier comprend les bassins de préparation, un bourlo pour le délavage, des tours, des séchoirs et un four à bois à flamme directe en deux chambres ; l'ensemble s'organise autour d'une grande cour et s'est développé pour occuper environ 1 700 m2 au sol. Les étapes de production allaient de l'extraction et du délavage de l'argile dans les bassins, au malaxage et tournage sur girelle, au séchage en plein air puis près du four, à l'engobage et à la décoration, puis au vernissage avant la cuisson finale. Le four, d'un volume de 20 m3, était chargé selon un schéma précis, chauffé au bois pendant environ 18 heures jusqu'à 980 °C puis laissé refroidir progressivement ; une cuisson pouvait consommer jusqu'à 600 fagots et se répétait plusieurs fois par mois. Les méthodes de production ont été préservées au fil des modernisations : les tours, autrefois entraînés au pied, ont été électrifiés, mais l'organisation du travail et le four à bois restent fidèles aux pratiques traditionnelles. L'activité déclina au milieu du XXe siècle face à la concurrence des nouveaux matériaux et la SARL "Poterie de Cliousclat" cessa son activité fin 2012. Pour maintenir une présence potière sur le site, la municipalité fit appel à un potier formé à Cliousclat et, grâce au soutien des collectivités locales, une SCIC et une souscription publique, la relance a été engagée en 2012 avec un audit architectural et des travaux conformes au cahier des charges des Monuments historiques. Un important chantier de restauration a été réalisé en deux phases : réhabilitation de l'atelier historique et réfection des toitures (phase 1, automne 2016), puis aménagement de nouveaux ateliers et de logements pour potiers en formation (phase 2, été 2018); des phases ultérieures concernent l'espace vente, la zone d'exposition et les extérieurs. Aujourd'hui, une équipe de cinq personnes gère la fabrique qui produit des pièces utilitaires et décoratives, des outils de cuisine aux grandes jarres de jardin ; le site accueille aussi un musée et des expositions permanentes et temporaires, et a reçu environ 20 000 visiteurs en 2018. Pour transmettre la tradition, la commune et l'association "Cliousclat D554" organisent tous les deux ans un grand marché des potiers dans le village, et la fabrique a continué d'être présentée dans des reportages médiatiques. Le site, désormais conforme aux normes ERP, conserve ses éléments techniques — rails, bassins de décantation, barres de séchage et cheminées du four — qui témoignent de l'histoire et des savoir-faire de la poterie de Cliousclat.