Origine et histoire du Prieuré de la Chartreuse
La chartreuse de Molsheim est un ancien monastère cartusien situé au cœur de Molsheim, dans le Bas-Rhin. Après la destruction de la chartreuse de Koenigshoffen en 1591, la communauté se réfugia chez les Jésuites de Molsheim puis entreprit d’y reconstruire un nouveau couvent selon la tradition de saint Bruno. Les travaux, étalés aux XVIIe et XVIIIe siècles, donnèrent naissance à une organisation complexe comprenant une église, un grand cloître, les cellules des moines, la maison du prieur, les bâtiments communautaires et les dépendances temporelles. L’ensemble rassemblait deux cloîtres autour de l’église, dix-neuf cellules numérotées de A à T, des jardins et des installations agricoles et administratives qui formeront plus tard l’hôpital. Plusieurs maîtres d’oeuvre et artistes sont attestés : Ulrich Tretsch pour l’église, une partie du cloître et plusieurs cellules, Christophe Wamser pour la maison du chapitre, Giovanni Betto pour l’hôtellerie, Jean Rockuz pour l’escalier monumental et Jacob Straub pour l’escalier du logis prioral. L’église conventuelle, plus vaste et plus décorée que ne l’exigeait habituellement l’ordre, comportait une nef courte pour les frères, un chœur étendu pour les pères, un jubé et une riche ornementation sculptée et peinte. Le cloître des pères, construit à partir de 1614, se distingue par la longueur de ses galeries, la qualité des consoles et des clefs de voûte et par une série de verrières figuratives renommées. Ces vitraux, réalisés par des ateliers Linck, furent longtemps considérés comme l’un des principaux trésors du couvent ; ils furent démontés à la Révolution et la plupart furent perdus lors des transferts et des destructions ultérieures, notamment à l’occasion de l’incendie de la bibliothèque municipale de Strasbourg en 1870. La chartreuse possédait aussi une bibliothèque importante qui, à l’inventaire révolutionnaire, réunissait plus de quatre mille ouvrages et plusieurs centaines de manuscrits, parmi lesquels le célèbre codex Hortus deliciarum. Les moines pratiquaient diverses activités artisanales et commerciales : copie et reliure d’ouvrages, fabrication d’un vin médicinal et de « boules » métalliques réputées pour leurs usages thérapeutiques. La communauté poursuivit sa vie régulière jusqu’à la Révolution : un incendie en 1791 endommagea l’église, la bibliothèque et plusieurs cellules, puis la maison fut supprimée en 1792 et vendue comme bien national. L’église fut rapidement dépecée et arasée, les bâtiments furent morcelés, réaffectés ou transformés en demeures et en établissements publics, tandis que le domaine temporel passa en grande partie à l’hôpital local au XIXe siècle. Au fil des siècles, mobilier, vitraux et collections furent dispersés; quelques éléments sauvés se trouvent aujourd’hui dans diverses institutions. À partir de 1981 la commune engagée rachats et campagnes de restauration ; des bénévoles ont réhabilité plusieurs cellules, ailes du cloître et jardins, et des fouilles ont permis de dégager les fondations de l’église en 1983. Le logis du prieur accueille depuis 1985 le musée historique de la ville, l’ancienne aile de la cuisine abrite une salle de la fondation Bugatti et la médiathèque, et le site accueille aussi des services culturels, des associations et des propriétés privées. Le plan d’ensemble du monastère reste lisible malgré les remaniements, et les vestiges protégés témoignent de l’originalité d’une chartreuse intégrée au tissu urbain ; le site a été inscrit et classé au titre des monuments historiques en 1998 et fait toujours l’objet de travaux de sauvegarde et de réhabilitation.