Origine et histoire du Prieuré de la Sainte-Trinité
Le prieuré de la Sainte-Trinité est un ancien monastère situé à Beaumont-le-Roger, dans l'ouest du département de l'Eure, en Normandie. Il occupe la mi-hauteur d'un coteau de la vallée de la Risle, dans le pays d'Ouche à proximité de la campagne du Neubourg, et offre de larges perspectives sur la vallée et la ville. L'édifice, élevé à la fin du XIe siècle, fut d'abord une collégiale fondée par Roger de Beaumont. La construction débute en 1070 et la collégiale est consacrée en 1087 en présence de plusieurs dignitaires et seigneurs ; Roger de Beaumont la dote par charte le jour même. La collégiale est confiée à des chanoines anglais de Sainte-Frideswide d’Oxford, dont le premier supérieur, Wazon, prend le titre de doyen. Avant de se retirer à l'abbaye de Préaux, Roger de Beaumont transmet aux chanoines plusieurs églises et dépendances ainsi que des logements, notamment les églises Saint-Nicolas et Saint-Léonard de Beaumont-le-Roger et des maisons au Neubourg. Au milieu du XIIe siècle, la collégiale décline et, en 1142, elle devient prieuré dépendant de l'abbaye du Bec : douze moines remplacent les chanoines et Robert, moine du Bec, est nommé premier prieur. Le transfert suscite un litige avec les chanoines d'Oxford au sujet des dîmes ; l'affaire est portée devant le pape Eugène III et aboutit en 1147 à un compromis qui attribue aux chanoines d'Oxford le domaine d'Edenetown. Le prieuré reçoit de nombreuses donations et privilèges au cours des siècles suivants, ainsi que des confirmations pontificales. Au XIIe siècle, Robert de Meulan accorde au prieuré des privilèges importants, qui permettent notamment de presser les récoltes au pressoir de Vaux et d'assurer le transport du vin à travers son domaine ; d'autres donations sont consenties entre 1182 et 1199, et une bulle du pape Célestin confirme certaines pensions. En 1258, Saint Louis passe par Beaumont et afferme aux religieux des vignes près du château, et en 1307 Philippe IV le Bel leur accorde des privilèges commerciaux et d'exemption de droits dans le royaume. À partir de la fin du XVIe siècle et jusqu'à la Révolution, le prieuré connaît un fort déclin numérique : on compte quatre moines en 1580, puis un prieur et deux chanoines en 1634, et seulement deux chanoines en 1789. Après la Révolution, des commerçants rouennais procèdent à des réparations, bouchent des ouvertures et consolident les bâtiments en réutilisant des matériaux provenant du château du président du Parlement de Rouen. Au XIXe siècle, l'ensemble passe entre diverses mains industrielles et abrite successivement une filature de coton, une fabrique de rubans et une manufacture de draps. Mis en vente en 1847, le prieuré est adjugé à un acquéreur qui détruit une partie des constructions pour revendre les pierres, utilisées dans plusieurs maisons de la ville ; en 1855 un incendie ravage les installations. En 1862, M. Lenormand empêche la démolition complète en achetant le site pour la Société des antiquaires de Normandie, mais des murailles sont ensuite démolies pour l'élargissement d'une route. Les vestiges ont été inscrits et classés à plusieurs reprises : inscrits sur une liste en 1862 puis déclassés en 1879, ils font l'objet d'un classement par arrêté du 2 mai 1916, et des jardins, logements et parcelles boisées ont été inscrits par arrêté du 16 février 2022. Aujourd'hui, le prieuré est en partie classé et inscrit et appartient à l'État. L'accès aux ruines se fait par une longue galerie voûtée flanquée de contreforts massifs, nécessaires en raison de l'implantation à flanc de coteau et renforcés par d'importants piliers en pierre cités comme hauts de quarante à quarante-trois pieds. Cette galerie, précédée d'un porche remanié au XIIIe siècle et modifiée à la fin du XVe siècle, pouvait servir de poterne au château qui dominait le prieuré. Les vestiges principaux sont ceux de l'église priorale, datée du XIIIe siècle, construite sur un plan rectangulaire et terminée à l'est par un chevet plat percé d'une large baie. L'édifice est divisé en huit travées éclairées par hautes fenêtres en tiers-point ; le mur nord présente des arcatures aveugles assez profondes pour avoir servi de sièges aux moines. Accolés au pignon occidental subsistent les restes de la salle capitulaire, et la base du clocher, édifiée au XIVe siècle, flanque extérieurement le mur nord de l'église.