Origine et histoire du Prieuré
Le prieuré de Sainte-Gemme est un monastère roman saintongeais situé à Sainte-Gemme, en Charente‑Maritime. Le site semble être occupé depuis le Néolithique et un monastère existe apparemment depuis le milieu du XIe siècle. En 1074, il est confié aux bénédictins de La Chaise‑Dieu ; trois moines y sont alors envoyés et le lieu dispose déjà d'une petite chapelle pré‑casadéenne. L'ensemble monastique est reconstruit à la fin du XIe siècle, époque à laquelle remonte l'église, puis connaît d'importants travaux au XIIe siècle ; le couvent est lui aussi remanié au XIIe siècle et modifié aux siècles suivants. Le prieuré s'enrichit par des donations et l'acquisition de marais salants, au point d'accueillir une vingtaine de moines au XIIIe siècle. Au XIVe siècle le supérieur exerce des fonctions seigneuriales et judiciaires et dispose d'une autorité notable au sein de la congrégation. La guerre de Cent‑Ans entraîne des pertes de revenus ; les bâtiments claustraux sont toutefois remaniés et les galeries du cloître surélevées. À la fin du XVe siècle, Jacques de Saint‑Nectaire, devenu supérieur puis abbé de La Chaise‑Dieu, tente des réformes qui rencontrent d'abord l'opposition des moines. Lors des guerres de Religion, les huguenots s'emparent du prieuré ; le prieur se réfugie à Bordeaux et l'édifice est fortement endommagé, les voûtes de l'église étant percées et le chœur, le transept et le clocher probablement abattus. Au XVIIe siècle les moines reviennent et aménagent notamment un mur au niveau de l'arc séparant la nef et la croisée du transept, mais la vie monastique décline et les prieurs n'habitent plus le monastère. Au début du XVIIIe siècle des observateurs signalent le caractère délabré des lieux, et en 1731 les deux derniers moines quittent le prieuré ; une inspection en 1735 décrit des parties du cloître et de la salle capitulaire en mauvais état, avec des sépulcres et des greniers comblés. Lors de la Révolution, le prieuré, ses bâtiments et ses terres sont vendus comme biens nationaux ; les acquéreurs sont des habitants et responsables locaux. Les bâtiments claustraux sont alors adaptés à des fonctions d'habitat et de travail : les galeries du cloître disparaissent, de nouvelles fenêtres et portes sont percées et les niveaux intérieurs sont modifiés. Au XIXe siècle on s'inquiète de l'état de l'église amputée du transept et du chœur ; des contreforts sont établis et un petit clocher remplace l'ancien au niveau de la croisée. Des campagnes de restauration et de consolidation des voûtes et des façades s'opèrent au XIXe siècle, avec des reconstructions de voûtes et une restauration quasi intégrale de la façade occidentale qui s'accompagne de sculptures contemporaines non médiévales et de la création d'un pignon avec clocher. Au début du XXe siècle, des baies romanes de la façade occidentale sont rouvertes et la tribune restaurée avec une balustrade néogothique. Les bâtiments voisins connaissent des usages variés, notamment une transformation en café et salle de bal puis en épicerie et musée, et des modifications importantes sont apportées aux murs après la Seconde Guerre mondiale. L'église est classée au titre des monuments historiques et le prieuré fait l'objet d'une inscription puis d'un classement au XXe et XXIe siècles.
Architecturalement, l'église prieurale est de plan en croix latine et de tradition romane ; elle mesurait autrefois 55 m mais ne conserve aujourd'hui que la nef de trois travées bordée de collatéraux et un narthex, élément peu courant en Saintonge. Le transept avec clocher au‑dessus de la croisée et l'escalier en colimaçon datent de l'adaptation de l'église aux moines entre la fin du XIe siècle et la première moitié du XIIe siècle ; il ne subsiste du transept que le mur occidental et quelques vestiges de maçonnerie qui pourraient être les départs d'une coupole. La nef, construite après le transept, comporte des dosserets et les collatéraux voûtés en plein cintre ; le plan initial à cinq travées a été remanié pour aboutir à une triple nef de trois travées et un narthex surmonté d'une tribune. Le chœur roman, édifié lors de la seconde moitié du XIIe siècle, présentait des proportions importantes et une crypte funéraire, retrouvée et étudiée partiellement au XXe siècle, composée d'une salle semi‑enterrée couverte d'une croisée d'ogives, desservie par un escalier depuis le transept nord et contenant loculi et sarcophages monolithes. Un jubé en pierre est ajouté au XIIIe siècle et l'abside romane est remplacée au XIVe siècle par un chevet plat. Les voûtes encore présentes ont été consolidées ou reconstruites au XIXe siècle, sauf celles des bas‑côtés de la tribune occidentale, et la façade occidentale a perdu la plupart de ses modillons médiévaux au profit de sculptures de restauration.
Les bâtiments claustraux entourant le cloître présentent une histoire complexe : le cloître médiéval, de 15,5 m sur 19 m, est l'un des mieux conservés de la région malgré la disparition de certaines galeries ; il était pourvu d'une banquette en pierre continue et de colonnes servant de support aux voûtes. L'aile orientale, aujourd'hui disparue, abritait la salle capitulaire et, à l'origine, un dortoir au‑dessus ; la salle capitulaire est voûtée et agrandie au XIIIe siècle, puis abaissée d'environ 0,75 m. L'aile occidentale, la plus imposante et la mieux conservée, date probablement du début du XIIe siècle ; élevée sur deux niveaux, elle comportait au rez‑de‑chaussée des celliers et à l'étage un dortoir pour les frères convers ou les visiteurs, avec une façade ornée de sept grands arcs aveugles. L'aile méridionale, conforme à la règle bénédictine, accueillait le réfectoire et était seulement éclairée du côté sud. Au XVe siècle, les bâtiments claustraux sont réaménagés pour répondre à de nouveaux usages : un niveau supplémentaire est ajouté aux galeries occidentale et septentrionale et un escalier en colimaçon assure la desserte des nouveaux espaces ; des ouvertures tardives et la présence d'appartements pour le prieur sont attestées sur la façade sud, et une porte ornée d'un linteau armorié pourrait être liée au prieur Louis de La Fayette (vers 1460‑1470).