Origine et histoire du Prieuré de Villesalem
Le prieuré de Villesalem, situé sur la commune de Journet (Vienne), dépendait de l'ordre de Fontevrault. Il a été fondé au début du XIIe siècle par Audebert de la Trémoille, qui donna le mas de Villesalem à deux ermites, Geoffray Gastinelli et Bertrand ; le site fut ensuite rattaché à l'abbaye de Fontevrault, geste autorisé par l'évêque de Poitiers en 1109 et confirmé par le pape en 1119. Le prieuré resta conventuel jusqu'en 1405 et fut gouverné par un prieur perpétuel jusqu'en 1612 ; après l'introduction d'une réforme de Fontevrault, les prieurs devinrent triennaux. L'église Notre‑Dame de la Paix, édifiée au milieu du XIIe siècle, est un des exemples remarquables de l'art roman poitevin ; sa construction commence probablement vers 1150 par l'abside sud, tandis que la voûte de la croisée et du transept appartient au XIIIe siècle. L'édifice adopte le plan fréquent en Poitou : nef à trois vaisseaux, transept saillant, chevet composé d'une abside surélevée et de deux absidioles ; la croisée porte la souche d'un clocher aujourd'hui disparu. La nef compte cinq travées voûtées en berceau brisé à doubleaux, flanquées de bas‑côtés assez étroits. L'absidiole sud, d'abord édifiée pour servir de chapelle au prieuré, conserve une colonnette ornée de têtes humaines frustes, tandis que l'absidiole nord présente une colonnette torsadée décorée d'oiseaux stylisés. L'ornementation intérieure reste globalement sobre, alors que la sculpture romane extérieure est abondante et met en valeur la structure architecturale. Le décor sculpté mêle motifs animaliers, végétaux et figures humaines : rinceaux, palmettes, bucranes, colombes, sirènes, masques et créatures fantastiques apparaissent sans scènes historiées, dans un style proche du « fleuri » de Saintonge. Parmi les motifs récurrents figurent lions, oiseaux, griffons et dragons ; certaines sculptures ont un sens symbolique aujourd'hui perdu. Le portail nord, dit « des Rois », présente une large arcature en plein cintre, trois voussures en claveaux rayonnants et une arcature aveugle supérieure ; la troisième voussure porte des têtes couronnées alternant avec des animaux, dont une seule tête féminine. La façade occidentale, tripartite, est richement sculptée sur ses deux premiers niveaux : corniches ouvragées, contreforts‑colonnes et arcatures rythment la composition tandis que le pignon reste sobre. Sur cette façade, des motifs ornementaux montrent notamment deux quadrupèdes affrontés et deux oiseaux buvant à une coupe ; le thème des colombes buvant au calice, fréquent en Poitou, renvoie à l'Eucharistie. Au cours des XIIe et XIIIe siècles, des donations locales enrichirent le prieuré et permirent la construction de l'église et de ses dépendances, mais la guerre de Cent Ans infligea de lourds dommages, notamment lors du sac de 1369 attribué au connétable anglais John Chandos, et les religieux abandonnèrent le site à la fin du XVe siècle. Relevé au XVIIe siècle malgré l'incendie de 1612, Villesalem devint un prieuré de moniales ; des bâtiments conventuels furent alors adossés à la façade occidentale pour permettre la communication avec des pièces aménagées dans la nef, masquant partiellement la façade. Au début de la Révolution, les religieuses furent expulsées et, en 1791, le prieuré et ses terres furent saisis et vendus comme biens nationaux ; au XIXe siècle l'église fut transformée en dépendance agricole, cloisonnée et remaniée, et le domaine fut morcelé. Les deux premières travées de la nef servirent de logement pour la prieure, tandis que le chevet et les absidioles furent ouverts pour le passage des bestiaux lors de l'usage agricole. Classé monument historique en 1914, acquis par l'État en 1962 et restauré pour restituer les formes romanes, le site a vu son bâtiment conventuel classé en 1995. L'Association des Amis de Villesalem, créée en 1961, contribue à la mise en valeur par des visites guidées et un festival estival, et depuis 2007 le prieuré participe aux animations du festival des Nuits Romanes. Les bâtiments conventuels comprennent l'ancien logis des religieuses, de style classique et daté du XVIIe siècle, aménagé pour la vie monastique (cellules individuelles, salle des hôtes, grande cheminée et boiseries), ainsi qu'un logis des hommes daté du XVe siècle, situé hors clôture et destiné aux moines qui assuraient la gestion matérielle et le culte. Le prieuré de Villesalem demeure l'un des joyaux de l'art roman poitevin, son nom signifiant « demeure de la paix ».