Origine et histoire du Prieuré
Ne subsistent de l'ancienne abbaye que le chevet polygonal partiel, trois chapelles absidiales rayonnantes et un bâtiment abbatial qui contient une salle capitulaire à deux travées voûtées en ogives ; l'ensemble a été ruiné au cours des guerres de Religion. Il s'agit du prieuré Saint‑Jean‑l'Évangéliste de Trizay, un ancien prieuré bénédictin fondé au XIe siècle sur une légère éminence dominant les marais de la rive droite de l'Arnoult, et dépendant de l'abbaye de la Chaise‑Dieu. Le fondateur, un seigneur de Tonnay‑Charente, en fit ensuite donation à La Chaise‑Dieu, et la maison bénéficia de libéralités successives des seigneurs de Tonnay, qui lui accordèrent forêts, droits sur les marais et privilèges de chasse. Au début du XIIIe siècle la communauté pouvait compter jusqu'à douze moines ; deux siècles plus tard son influence s'étendait jusqu'au pays de Marans et à la paroisse de Saint‑Just. En 1518 le prieuré passa sous le régime de la commende et connut une période de déclin exacerbé par les combats de 1585 et 1586 : tenu tour à tour par les ligueurs puis par les protestants, il fut aménagé en citadelle, l'église fut incendiée et une partie des bâtiments conventuels détruite puis seulement sommairement réparée. Les premiers prieurs commendataires mentionnés sont Charles Goumard, puis Jean et Antoine Goumard ; plus tard, François‑Louis de Polastron fut prieur commendataire en 1698. Au début du XVIIIe siècle la maison n'abritait plus guère qu'un seul moine, qui dut s'installer à Tonnay‑Charente faute de réparations ; un état des lieux de 1760 signale déjà une église à demi‑ruinée. Vendu comme bien national en 1791, le prieuré fut transformé en exploitation agricole ; l'église priorale resta église paroissiale jusqu'en 1843, date de sa fermeture pour vétusté, et fut finalement remplacée par l'église Saint‑François en 1897. Classé monument historique en 1920, l'ensemble a fait l'objet d'une restauration à partir de 1994 et accueille désormais un centre d'art contemporain ; les bâtiments conventuels et les vestiges de l'église sont ouverts à la visite et l'ensemble a obtenu le label des « trésors de Saintonge ». Traditionnellement appelé « abbaye de Trizay », le prieuré ne doit pas être confondu avec les restes d'une abbaye de Trizay situés en Vendée, à Bournezeau.
L'église romane conserve des vestiges d'une structure rare en Saintonge : une chapelle axiale de deux travées terminée par une abside en cul‑de‑four, flanquée de deux absidioles greffées sur un plan à pans coupés ; des sondages ont montré que l'édifice primitif reposait sur un plan centré octogonal rappelant celui de Saint‑Michel‑d'Entraigues. L'église initiale comportait cinq chapelles disposées autour de la chapelle axiale et devait mesurer environ 40 mètres dans l'axe et 39 mètres d'une absidiole à l'autre ; la chapelle axiale elle‑même atteignait 12 mètres de long sur 9 mètres de large pour une hauteur sous voûte de 12 mètres, tandis que les chapelles latérales mesuraient environ 6 par 5 mètres avec une hauteur de 10 mètres. Les voûtes, étayées par des arcs doubleaux reposant sur colonnes, présentent des chapiteaux sculptés à décors animaliers et végétaux — lions, volutes et entrelacs — notamment concentrés dans la chapelle sud, et les trois chapelles sont éclairées par des baies en plein cintre bordées de colonnettes à chapiteaux feuillagés ; des vitraux modernistes y ont été récemment posés. Le plan restitue en outre la probable présence d'un double déambulatoire formant deux corridors d'environ 3 mètres chacun.
Parmi les bâtiments conventuels, la salle capitulaire, accolée à l'église, est un rectangle de 8,60 × 6,20 m datant du début du XIIIe siècle, avec une façade ornée de baies surmontées d'arcs polylobés et des voûtes gothiques ajoutées au même siècle ; des tombeaux y furent découverts au milieu du XIXe siècle. La salle des moines mesure 6 × 4,40 m et conserve une porte bouchée donnant autrefois sur le cloître, dont il ne subsiste que des traces archéologiques indiquant une galerie méridionale d'environ 2,50 m de large, peut‑être limitée à trois côtés. Le cellier, voûté en berceau brisé, fait 12,80 × 6 m ; le dortoir, à l'étage au‑dessus de la salle capitulaire, conserve une cheminée ornée d'un blason difficilement lisible et des fragments de fresques médiévales attribuées au XVe siècle. Le réfectoire, vaste espace voûté de 15 × 6,80 m, présente encore des restes de peintures murales, dont une représentation des symboles des quatre évangélistes, et des sépultures datées des XIIIe‑XIVe siècles ont été mises au jour dans l'enceinte du prieuré.
Depuis sa restauration, le prieuré accueille un centre d'art contemporain ouvert depuis 2003 ; expositions temporaires et œuvres d'artistes internationaux (parmi lesquels Frédéric Benrath, Dèlos, Jean Balitran, Fidel Bofill, Kim En Joong, Hassan Massoudy, Gérard Titus‑Carmel, Jesús Montes et Wang Chen Yeng) se tiennent dans l'ancienne église et les bâtiments conventuels. Les vitraux de l'absidiole principale sont l'œuvre de Richard Texier ; sur l'esplanade se trouvent la sculpture Equi‑libre (2005) d'André Bémant et, depuis 2010, La source de Georges Charpentier.