Origine et histoire du Prieuré Saint-Michel-des-Anges
Le prieuré Saint-Michel-des-Anges, situé à Saint-Angel (Corrèze), est mentionné dès un texte daté de 783 (au lieu du 18 juin 785) qui rapporte la donation de l'église dédiée à saint Michel et du castrum jouxtant au comte Roger de Limoges et à son épouse Euphrasie à l'abbaye de Charroux. La validité de cette charte a été remise en question dans un ouvrage de 1998, qui relève des mentions de dépendances postérieures au IXe siècle, voire au XIe siècle ; Claude Andrault-Schmitt estime toutefois que, même modifiée pour correspondre aux possessions de Charroux, la charte n'invalide pas la fondation ancienne, tandis qu'Augustin Vayssière évoque l'hypothèse d'une terre d'église confisquée par Charles Martel et donnée au comte de Limoges. Les possessions de Charroux furent placées sous la protection du Saint-Siège de Léon IX jusqu'à Innocent III, et la bulle d'Innocent III du 21 mars 1211 qualifie Saint-Angel d'abbaye dirigée par un abbé, avant que des actes de 1243 et 1279 n'attestent qu'il est redevenu un prieuré. Des conflits avec la famille de Mirabel, notamment Hugues de Mirabel qualifié d'abbé laïque qui s'était emparé des biens du prieuré, conduisirent à des transactions et à une sentence arbitrale de 1268 réaffirmant le droit de l'abbé de Charroux à nommer le prieur et à exercer visites et réformes. La présence des Mirabel à Saint-Angel est mal datée ; plusieurs membres de cette famille, dont Pierre de Mirambel, sont néanmoins attestés dans la région entre les XIe et XIIIe siècles, et la famille joua probablement un rôle protecteur face aux seigneurs voisins. À la suite d'alliances matrimoniales, la seigneurie passa aux Rochefort, qui rendent hommage à l'abbaye de Charroux aux XIVe et XVe siècles, et apparaissent régulièrement dans les actes locaux. Des reliques, attribuées par Dom Estiennot à saint Gaudence et peut-être à saint Aubin, auraient été apportées au monastère au moment des invasions normandes selon la Chronique de Geoffroy. Le prieuré connut plusieurs périodes de violence : vers 1180 il fut pillé par des hommes de Lobar au service d'Ebles IV de Ventadour, et au cours de la guerre de Cent Ans le site fut ravagé en 1375 par les troupes de Louis II de Bourbon, qui mirent notamment le feu au monastère selon la chronique de Jean Cabaret d'Orville ; des incendies sont encore signalés en 1412 et 1425. Les dégâts de ces conflits entraînèrent des reconstructions : Geoffroy de Rochefort fit relever les murailles en 1415 et diverses familles se succédèrent aux fonctions de prieurs et de seigneurs, avec des épisodes de conversion religieuse et de pillage, notamment un grand pillage en 1594 pendant les guerres de Religion. Plusieurs actes et échanges de mains sont mentionnés entre les XVe et XVIIe siècles, avec des prieurs issus des familles de Maréjoux et des rectifications de bénéfices : Charles de Rochefort fut prieur avant 1634 et se démit en faveur de François de La Fayette, évêque de Limoges, qui introduisit la réforme mauriste à Saint-Angel en 1657 ; sept moines de la congrégation de Saint-Maur s'y installèrent en 1664, et cinq moines subsistaient encore en 1790. La seigneurie passa après 1626 à Gratien de Beaumont puis fut vendue à M. de Clary, qui entra rapidement en conflit avec les religieux, allant jusqu'à prendre d'assaut les bâtiments conventuels en 1656 et à enlever le coq du clocher pour le placer sur le donjon ; ces procès opposaient les Clary aux prieurs jusqu'en 1752. Sur le plan architectural, une étude de 1998 a distingué six campagnes de travaux s'étalant d'environ 1100 au milieu du XVIe siècle, et la présence d'un chapiteau de type néo-corinthien laisse envisager un rond-point de colonnes construit vers 1100. De l'église romane subsistent principalement les murs extérieurs de la nef, remaniés au fil du temps ; les baies rappellent celles de l'abbatiale Saint-Léger de Meymac, ce qui permet de proposer une datation des murs vers la fin du XIIe siècle, éventuellement après les événements de 1180-1181. Une première organisation en travées carrées semble avoir été modifiée au début du XIIIe siècle, avec la réalisation de nouvelles piles réduisant le nombre de travées et peut-être l'abandon d'un projet de clocher-porche à l'ouest. Le chevet, à cinq pans obliques dont trois sont occupés par une chapelle basse pour les reliques, présente des arcs de renfort et des ogives à filet datant des premières campagnes de reconstruction avant 1450 ; ces travaux pourraient être liés à Martin de Mauriac ou à son neveu Jean, ce dernier évoquant des réparations en 1431, et la reconstruction du chevet précéda celle de la salle capitulaire. Le transept a été reconstruit sur des bases plus anciennes et comporte des voûtes dont les clés portent des blasons attribués aux prieurs des années 1486-1503. Les voûtes de la nef ont été refaites à la fin du XVe siècle, masquant les aménagements antérieurs, et des clés de voûte identifiées en 1972 portent les armes de France entourées du collier de l'ordre de Saint-Michel ainsi que des armes de Ventadour et des Plas, indiquant des interventions postérieures à 1469, 1512 et 1535 ; la façade occidentale actuelle est l'œuvre des mauristes. Les bâtiments conventuels, organisés autour d'un cloître de 50 pieds avec un puits, avaient conservé à l'arrivée des mauristes principalement l'aile orientale : la salle capitulaire — utilisée aussi comme sacristie —, une salle longtemps employée comme cuisine (restaurée en 1952), et la « tour des moines » avec archives et dortoir ; cette portion remonte au XVe siècle, la salle capitulaire ayant été reconstruite après le chevet et restaurée en 1938, la toiture ayant été refaite au XVIIe siècle. Les mauristes relevèrent et reconstruisirent l'aile sud, alors en ruines depuis deux siècles, tandis que l'aile ouest ne comportait que bâtiments bas destinés aux fonctions domestiques ; une tour carrée angle sud-ouest, attestée en 1790, avait été détruite avant 1811. En matière de protection, l'église abbatiale a été classée au titre des monuments historiques dès la liste de 1840, la salle capitulaire (sacristie) et la tour ronde du presbytère l'ont été le 15 juillet 1919, et les bâtiments conventuels ainsi que les vestiges non classés et la partie occupée par l'ancien cimetière ont été classés le 26 mai 2000. La protection de 1840 permit une campagne de restauration conduite par Anatole de Baudot, qui imposa une couverture en ardoise en remplacement des bardeaux encore en place en 1841.