Origine et histoire du Prieuré Saint-Nicolas de Campagnac
Le prieuré Saint-Nicolas de Campagnac est un ancien établissement religieux situé au hameau de Campagnac, commune de Sainte-Anastasie (Gard), sur la rive gauche du Gardon à l'extrémité septentrionale du pont Saint-Nicolas. Il dépendait de l'Ordre de Saint-Augustin, de la Congrégation de France, dans le diocèse d'Uzès. La date de fondation du prieuré est incertaine : le hameau existe légalement depuis 896, quand Louis III l'Aveugle le concéda à l'évêque d'Uzès Amélius II, et en 1156 Louis VII confirme la propriété de terres et mentionne le prieuré. Ces éléments, ainsi que le style de l'édifice, permettent de le situer au début du XIIe siècle. Entre 1245 et 1260, les frères pontifes qui logeaient au prieuré firent édifier le pont Saint-Nicolas de Campagnac, aux arches ogivales, pour assurer la liaison entre Nîmes et Uzès à la demande de l'évêque Pons de Becmil, sous le priorat de Pierre d'Arpaillargues. En 1482, Jacques de Caulers, nommé évêque de Nîmes, prêta serment dans le chapitre régulier des chanoines de Saint-Nicolas ; l'acte fut signé par Jean de Nîmes, chanoine du prieuré et prieur de Saint-André de Collorgues. Pendant les guerres de religion, en 1560, le prieuré fut ravagé : la chapelle s'effondra, les sépultures furent profanées et seules les écuries et la tour de veille restèrent intactes. En 1583 la tour fut prise par le capitaine Guisard Ferrières qui coupa la circulation du pont ; deux mois plus tard il fut renversé par les Nîmois et les Uzétiens et pendu au créneau de la tour, et le monastère resta désert pendant un demi-siècle. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les chanoines se rallièrent aux réformes tridentines en adhérant à la Congrégation de Sainte-Geneviève, dite Congrégation de France, fondée par François de La Rochefoucauld. En 1628, les protestants conduits par Henri II de Rohan établirent un poste de garde dans la tour tout en respectant les religieux. Le prieuré a été inscrit au titre des monuments historiques par arrêté du 6 août 1987. L'église priorale, désaffectée, présente un décor intérieur sobre ; elle comprend une nef en berceau, un transept, une abside semi-circulaire et un clocher-tour de plan carré. Plusieurs seigneurs d'Uzès y avaient leur sépulture, parmi lesquels Raymond Gaucelin II de Sabran-Uzès, qui demanda à être inhumé au tombeau de ses prédécesseurs. En 1863 le curé de Vic découvrit une grande dalle de marbre portant l'épitaphe en latin de Jacques de Cambronne, prieur claustral, gravée dans un losange encadré et surmontée d'une croix ; l'inscription indique qu'il mourut en 1697 à l'âge de 76 ans, après 55 années de profession. Le cimetière, détruit lors du percement d'une nouvelle route en 1863, livra des ossements et plusieurs dalles funéraires, notamment celles d'Antoine Gourdon, chanoine mort en 1682, de Jean-Baptiste Desforges, chanoine régulier mort en 1700, et du père Louis de Loynes, chanoine régulier et prieur de l'église Saint-Jean de Saint-Privat-des-Vieux. Le prieuré possédait des biens et des revenus variés : deux moulins à eau situés en aval du pont furent détruits par une crue du Gardon en avril 1533 ; à la suite de réparations insuffisantes, un seul moulin put fonctionner. Il était titulaire de plusieurs prieurés et églises, dont le prieuré Saint-André de Collorgues, le prieuré Saint-Jean de Bourdic (uni au monastère), Notre-Dame de Blauzac et le prieuré de Gourdouze, donné à l'abbaye de Franquevaux en 1156 mais conservant certains privilèges ; après expulsions et négociations, Gourdouze fut incorporé aux chanoines de Saint-Nicolas en 1435. Le domaine comprenait des herbages, droits de dépaissance et vignes dans des lieux tels que Mont-Plan, Miech-Carton, Le Petit-Devois, Les Castels-Berrias et Les Milhenses ; plusieurs parcelles de vigne paraissent avoir été négligées en 1532. La terre de Mont-Saint-Jean, inféodée dans les années 1680 à Jean d'Audibert sans le consentement du chapitre, revint au monastère en 1686 grâce à l'intervention du père de Cambronne. Les armoiries du prieuré sont blasonnées d'azur à saint Nicolas crossé et mitré d'or, portant une aumônière à trois bourses, sur un pont à trois arches d'or maçonné de sable, et en pointe une rivière d'argent. Parmi les prieurs réguliers et commendataires figurent Pons (1188), Pierre d'Arpaillargues (1258), Raymond du Caylar (1290-1295), Michel de Cazaliers (1319), puis des prieurs commendataires tels que Jean de Laudun (1472), Olivier de Laudun (vers 1477), René de Girard (1610-1645), Elzéar Chasles (1645-1674), Paul de La Parre (1674-1703) et Jean-Joseph de Rozel, mentionné à partir de 1703 ; Jacques de Cambronne apparaît comme prieur claustral à la fin du XVIIe siècle. La communauté a compté des religieux notables, notamment Raymond Jordan, mort en 1380, qui devint prévôt de l'église d'Uzès et est l'auteur médiéval de L'Idiota sapiens.