Origine et histoire du Prieuré de Badeix
Les restes du prieuré Notre-Dame-et-Saint-Jean-Porte-Latine de Badeix se présentent sous la forme d'un petit bâtiment privé, aujourd'hui divisé en trois propriétés et non accessible au public. Il se situe sur la commune de Saint-Estèphe (Dordogne), dans le parc naturel régional Périgord-Limousin, à environ trois kilomètres au nord du bourg, au lieu-dit Badeix. Fondée dans la seconde moitié du XIIe siècle par un donateur inconnu, la celle était dédiée à Notre-Dame et à saint Jean dit « de la Porte-Latine ». Quatre clercs y demeuraient en 1295. Dans la réforme de 1317, le pape Jean XXII organisa l'ordre de Grandmont en faisant de Grandmont une abbaye chef de prieurés et unit la celle de Badeix au prieuré Notre-Dame de Ravaud. Lorsque le prieuré de Ravaud tomba en ruines au XVIIe siècle, les religieux se réfugièrent à Badeix, en meilleur état. La mise en commende entraîna un relâchement de la discipline ; Charles Frémon tenta d'y rétablir une stricte observance en 1625, sans grand succès. Le prieuré connut des épisodes marquants au XVIIIe siècle : René-François de La Guérinière, prieur de Badeix, fut élu abbé général de l'ordre en 1716 ; Jean-François de Giboust de Chastelux, également prieur, fut assassiné en 1752 à l'abbaye de Peyrouse. Dom Gaspard-Thyrse Mathieu de La Gorce, dernier prieur à partir de 1766, résida rarement sur place et le prieuré cessa d'être occupé en 1776; le domaine fut affermé, le moulin loué en 1785. La celle fut unie au siège épiscopal de Limoges par lettres patentes du 24 février 1769 ; l'ordre de Grandmont fut supprimé et rattaché à l'évêché de Limoges en 1781. Le prieuré fut vendu comme bien national le 26 mai 1791 à Guillaume Vallade aîné. Dom Gaspard de La Gorce fut arrêté en 1792 pour avoir refusé de prêter serment, libéré après le concordat de 1801, nommé curé de Bessines et décédé le 6 août 1805 à l'hospice de Limoges dans sa quatre-vingt-deuxième année. Les bâtiments furent transformés en exploitation agricole et plusieurs constructions disparurent; seuls subsistent aujourd'hui les éléments décrits ci‑dessous. Les vestiges inscrits au titre des monuments historiques le 18 juin 1938 comprennent une église à nef unique — aujourd'hui utilisée comme grange — et un bâtiment oriental intégrant la salle capitulaire et l'ancien dortoir. L'église, écourtée au XVIIe siècle et réduite à 18 mètres sur 6, présente un chœur en cul-de-four où subsistent un triplet de lancettes à double voussure maintenant murées et, côté sud de l'abside, deux piscines typiques des établissements grandmontains. La voûte de la nef s'est effondrée à la fin du XIXe siècle et a été remplacée par une charpente plate. La salle capitulaire, voûtée en six travées d'arêtes, est soutenue par deux colonnes aux chapiteaux massifs et aux tailloirs particulièrement épais ; elle est aujourd'hui cloisonnée, ce qui gêne l'observation des arcs-formerets. Le dortoir primitif occupe l'étage au-dessus de la salle capitulaire et a été divisé en chambres ; l'une d'elles conserve une fresque polychrome dite « aux oiseaux ». Une salle des moines ou cellier voûtée en berceau brisé, éclairée par deux fenêtres orientées à l'est, complète ces vestiges; les autres bâtiments conventuels ont disparu.