Origine et histoire des Ruines gallo-romaines
La propriété des ruines gallo-romaines, anciennement détenue par l'État (ministère de la Culture), a été transférée au département le 24 octobre 2008 ; le site archéologique se situe à Bavay (Nord). Bagacum Nerviorum, aujourd'hui Bavay, était la capitale de la civitas des Nerviens et s'est implantée entre 19 et 15 av. J.-C. Le toponyme Bagacum dérive du celtique bagos, « hêtre », combiné au suffixe de localisation -acum ; l’archétype *Bāgākon a donné un nom signifiant « hêtraie » et présente des parallèles toponymiques en Europe. L’étymon indo-européen *bhāgós est à l’origine du latin fagus et du germanique *bōkjō, parentes lexicaux du mot « hêtre » dans plusieurs langues. Sous Auguste, la Gaule fut organisée en provinces, dont la Belgique entre Seine et Rhin, elle-même divisée en dix-huit cités ; Bagacum, chef-lieu des Nerviens, figure sur la table de Peutinger. Selon Jean-Louis Boucly, la fondation de la ville remonte probablement à la fin du règne d’Auguste ; un monument érigé en 4 av. J.-C. sur le forum commémore le passage de Tibère et semble avoir favorisé l’extension urbaine. À l’époque claudienne, la cité couvre environ huit hectares ; elle atteint près de quarante hectares au IIe siècle. La nouvelle agglomération attira artisans et commerçants ; des officines de potiers, venues de la Marne et peut‑être de la Côte-d’Or, s’installèrent au sud de la ville et produisirent dès la fin du Ier siècle av. J.-C. une vaisselle en terra nigra, retrouvée en abondance lors de fouilles de 1972 avec des débris d’amphores italiques et des vases lyonnais. Une aristocratie nervienne romanisée, attestée par le gentilice IULIUS, adopta les usages romains ; d’autres habitants, enrôlés comme auxiliaires, participèrent aux opérations alpines de 16 à 14 av. J.-C. et rapportèrent des monnaies orientales frappées par les Helvètes et les Vindélici. Dès la fin du IIe siècle, des peuples germaniques remontèrent l’Escaut et pillèrent la voie Tongres–Bavay ; au IIIe siècle, les Francs franchirent le Rhin (253‑254), furent d’abord repoussés puis revinrent entre 259 et 263, et en 275 les Alamans se joignirent à eux, ce qui entraîna le ravage de villes dont Bavay malgré la résistance des empereurs des Gaules. Après cette période de troubles, la paix rétablie sous Dioclétien et la tétrarchie favorisa la protection des villes : la première fortification de Bavay date du dernier quart du IIIe siècle et, à l’époque constantinienne, la pierre des monuments détruits fut réemployée pour doubler l’enceinte et construire deux castella. Le déclin s’accentue à la fin du IVe et au début du Ve siècle : la surface urbaine, resserrée sur la double enceinte, tombe de quarante à quatre ou six hectares, et la Notice des Dignités indique que Cambrai (Camaracum) a alors remplacé Bavay comme chef‑lieu des Nerviens ; des forts établis le long des grandes voies firent de Cambrai une place moins exposée et plus stratégique. Les derniers témoins d’occupation du forum ne dépassent pas les années 430–450. L’organisation urbaine montre dès l’origine un plan en damier et un forum tripartite clos, très répandu à la seconde moitié du Ier siècle, qui a été conservé au fil des réaménagements. Le forum cryptoportique, daté de 150, est l’un des rares en France entièrement dégagés ; sa basilique, longue de 98 mètres, est la plus grande mise au jour à ce jour. Maurice Hénault découvrit au début du XXe siècle le forum et des thermes alimentés par un aqueduc puisant une source située à une vingtaine de kilomètres, et Henri Bievelet procéda, de 1942 à 1976, au dégagement des cryptoportiques à l’ouest, de l’esplanade et de la basilique civile à l’est. Bavay était enfin un carrefour majeur : huit voies y convergaient, reliant la cité à Tongres et Cologne, Dinant et Trèves, Anvers et Utrecht, Gand et Bruges, Valenciennes et Tournai, Cambrai et Amiens, Vermand et Beauvais, ainsi qu’à Avesnes et Reims, tracés encore repérables sur les cartes routières actuelles.