Origine et histoire du Sanatorium
Le sanatorium d'Aincourt a été construit dans le parc de la Bucaille, d'environ 73 hectares, entre avril 1931 et juillet 1933 à l'initiative du conseil général de la Seine-et-Oise et du préfet, en réponse à la recrudescence de la tuberculose. Un concours architectural, remporté par Édouard Crevel et Paul-Jean Decaux, a engagé un programme ambitieux comprenant trois pavillons de malades (pour hommes, femmes et enfants), des bâtiments de service (buanderie, lingerie, école), des locaux administratifs, des logements pour le personnel et les médecins, ainsi que les aménagements techniques nécessaires comme une station d'épuration, un puits et un château d'eau. Les trois pavillons, disposés à environ 400 mètres les uns des autres, mesurent chacun environ 220 mètres de long sur 12 mètres de large ; ils sont orientés au sud-est et présentent le même plan : un long corps central de chambres et de circulation, flanqué à chaque extrémité par des bâtiments reliés par une galerie incurvée, l'aile ouest accueillant les services médicaux et l'aile est les cuisines, le réfectoire et la salle de loisirs. Conçus pour accueillir 150 malades chacun, ces bâtiments comprennent trois niveaux de chambres disposés en gradins et un toit-terrasse ; chaque étage ouvre sur une galerie-solarium continue, compartimentée par des coupe-vent en verre dépoli, et deux escaliers principaux hors-œuvre desservent le corps central. L'ensemble est bâti en béton armé, initialement revêtu de crépi, et les sols étaient ornés d'un décor en granito.
Spécialisé dans la cure de la tuberculose pulmonaire, le site illustre la pratique thérapeutique de l'époque fondée sur l'air et le repos ; sa taille en fait l'un des plus vastes sanatoriums construits au XXe siècle. En juin 1940 les malades furent évacués, puis, en octobre 1940, le pavillon Adrien-Bonnefoy-Sibour fut réquisitionné pour devenir un camp d'internement administratif de la zone nord. Le premier convoi amena 182 prisonniers le 5 octobre ; initialement prévu pour 150 personnes, le camp comptait plus de 670 détenus fin décembre 1940 et environ 1 500 internés au total, dont des élus et militants ; des transferts vers d'autres prisons et camps eurent lieu et plusieurs centaines d'internés furent déportés vers Auschwitz, Buchenwald et Oranienburg-Sachsenhausen. Le camp ferma le 15 septembre 1942 et fut remplacé par un centre d'entraînement des Groupes mobiles de réserve ; les GMR arrivèrent dès novembre 1942, une cérémonie de remise des fanions eut lieu le 31 mars 1943 et le camp des GMR fut dissous le 13 septembre 1943. Une stèle commémorative a été érigée en 1994 et une cérémonie annuelle se tient le premier samedi d'octobre en mémoire des internés et déportés.
Après la guerre, le sanatorium rouvrit en 1946 ; il évolua sous l'effet des progrès médicaux et des aménagements techniques, avec notamment l'inauguration d'un nouveau bloc opératoire en hommage au docteur Pierre Le Foyer. L'arrivée des antibiotiques et la transformation des besoins sanitaires conduisirent à divers reclassements : en 1972 l'établissement devint un centre médical, et l'ancien pavillon des enfants fut rénové jusqu'en 1975 pour abriter un centre de rééducation fonctionnelle. Un jardin japonais, conçu à l'instigation du docteur Hamon et inspiré du traité du Sakutei-ki, fut aménagé en 1970 entre deux pavillons.
Le déclin des activités spécialisées entraîna des fermetures progressives : le rez-de-chaussée du pavillon Adrien-Bonnefoy-Sibour fut fermé en 1987, le pavillon du Docteur-Vian en 1988 et le pavillon Bonnefoy-Sibour en 2001 ; seul l'ancien pavillon des enfants a continué à fonctionner et le site est aujourd'hui partiellement occupé par le groupement hospitalier intercommunal du Vexin. Les grands bâtiments laissés vacants ont subi pillages et vandalismes, qui ont endommagé les intérieurs et détérioré certaines structures, mais ils conservent malgré tout la lisibilité et la qualité de leur ligne fonctionnaliste ; des bâtiments annexes ont été réhabilités en logements sociaux avec adjonctions contemporaines. Des projets de reconversion ont été engagés, notamment la vente prévue du pavillon Adrien-Bonnefoy-Sibour à des promoteurs pour en faire une résidence de services pour personnes âgées et handicapées (décisions du conseil d'administration du centre hospitalier du Vexin du 19 mai 2009 et du conseil municipal d'Aincourt du 5 juin 2009), et la presse a évoqué en 2019 un vaste projet immobilier à l'horizon 2023. Le site fait l'objet d'une protection au titre des monuments historiques depuis le 1er février 1999.