Origine et histoire
Le sanatorium Martel de Janville, situé sur le Plateau d'Assy à Passy (Haute-Savoie), est le dernier des quatre établissements réalisés par les architectes Pol Abraham et Henri-Jacques Le Même pour l'Association des villages sanatoriums de haute altitude. Commandé par le ministère de la Guerre en 1932 à la suite d'un don de la comtesse de Martel, il fut construit entre 1933 et 1936 et inauguré en septembre 1937 après des interruptions de chantier liées à des difficultés financières et politiques. L'édifice illustre le type du sanatorium "bloc" développé en Europe dès le début des années 1930 et capitalise les recherches d'Abraham et Le Même menées depuis la fin des années 1920. Le plan reproduit le T caractéristique de l'époque, avec une aile principale au sud et une aile perpendiculaire au nord, mais l'implantation désaxée et une aile surélevée pour les officiers rompent la symétrie traditionnelle. Le bâtiment unique regroupe patients et services : l'accès principal se fait depuis le nord par la cour des sous-officiers, tandis qu'au sud une terrasse artificielle sert de promenade. L'aile sud abrite les chambres de cure et, dans un avant-corps central, la bibliothèque, les salons, l'accueil et la salle à manger militaire. L'aile nord concentre la chaufferie, la buanderie, les cuisines et l'économat, le service médical ainsi que les chambres et espaces des religieuses et infirmières ; elle est couronnée par une chapelle. Des bâtiments annexes — villa du médecin directeur, boulangerie-conciergerie, ateliers et garages — s'organisent autour de la cour de service. La stricte séparation des espaces et le dédoublement des fonctions répondent à la hiérarchie militaire entre officiers et sous-officiers, modèle courant de l'architecture sanatoriale de l'époque. Le mobilier des chambres a été réalisé par les ateliers Jean Prouvé ; Jules Leleu est également associé à la conception du mobilier. À l'origine considéré comme un établissement de pointe, il disposait de 170 chambres individuelles pour militaires atteints de tuberculose pulmonaire. Les trois ailes se développent autour d'un double axe ponctué de deux entrées semi-circulaires et surmonté d'une cheminée conique, l'intérêt architectural résultant du contraste entre formes rectilignes et courbes. Le 4 décembre 1943, un hélicoptère militaire allemand Focke-Achgelis Fa 223 Drachen (n°12, immatriculé DM+SP) s'écrase à proximité vers 13 h 45 ; les deux membres d'équipage, l’Oberleutnant Brennecke et son assistant, périssent, l'accident étant attribué à la rupture d'une biellette de commande du pas du rotor. La présence de l'appareil demeure sujette à interprétation : certains témoignages évoquent une mission de secours pour des alpinistes disparus, tandis qu'une autre hypothèse suggère un déplacement vers la soufflerie du Mont-Lachat pour un propulseur de V2 ; l'épave aurait ensuite été récupérée par les Allemands au printemps 1944 puis signalée à l'aéroport de Lyon-Bron avant de disparaître avant la fin de la guerre. Une reconversion administrative à la fin des années 1970 a réduit la capacité de lits et engagé une sous-utilisation chronique du bâtiment, devenu Centre médical Martel de Janville et accueillant principalement personnes âgées ou convalescentes. L'activité médicale a cessé en mai 2006 ; le sanatorium est resté désaffecté jusqu'en 2013, puis a été reconverti en logements et repeint en orange, teinte d'origine des années 1930. Le sanatorium et son parc ont été inscrits au titre des monuments historiques en 2008. Sur le plan disciplinaire et sanitaire, l'établissement témoigne de l'évolution vers l'hôpital moderne : concentration des fonctions dans un seul corps de bâtiment, empilement des niveaux de chambres et émergence d'un "plateau médical" embryonnaire, tandis que la "cellule de cure" individuelle devient le module constitutif de la façade et permet l'empilement des niveaux sans recours au modèle à gradins. Chaque patient dispose ainsi d'une unité thérapeutique définie, conçue pour moduler les conditions climatiques favorables à la cure antituberculeuse.