Origine et histoire du Sanctuaire des Bouchauds
Le sanctuaire des Bouchauds s’inscrit au sommet d’un grand ensemble cultuel rural implanté sur un promontoire au nord de la voie Lyon–Saintes. Il occupe la partie sommitale d’un site qui comprend plusieurs bâtiments groupés en trois ensembles distincts : l’ensemble oriental, l’ensemble occidental et un ensemble méridional en « forme de grecque ». L’ensemble oriental comprend cinq temples aux plans variés, dont un temple à cella rectangulaire avec pronaos et un temple octogonal de tradition indigène ; l’ensemble occidental, plus vaste, présente deux temples carrés de type fanum disposés dans une cour ; le secteur sud réunit une série de pièces organisées en forme de croix. Le sanctuaire domine un théâtre gallo‑romain creusé dans le flanc de la colline, daté du Haut-Empire romain, qui participe au dispositif cultuel du lieu.
Le site se situe sur la commune de Saint‑Cybardeaux, en Charente, le long de la voie d’Agrippa Saintes–Lyon, et occupe un point culminant local à 154 m, dominant les vallées de la Charente et de la Nouère. Deux anciennes voies romaines passent à proximité : la voie d’Agrippa, à environ un kilomètre au sud, et une autre voie reliant le site au sud‑est vers Angoulême et Périgueux ; ces axes expliquent la position carrefour de l’ensemble et la possible existence d’un marché ou d’une agglomération identifiée de façon incertaine à Sermanicomagus (ou Germanicomagus) de la Table de Peutinger. Après un abandon aux alentours du IVe siècle, la végétation a recouvert les monuments, dont certains vestiges ont été interprétés localement comme les ruines d’un « château des Fades ».
Le site a été redécouvert en 1865 par Jean Gontier, qui y mena des fouilles à ses frais et obtint le classement au titre des monuments historiques par arrêté du 23 décembre 1881. Ayant consacré sa fortune aux travaux, il s’installa à Dorgeville, où il mourut le 28 mai 1894 ; il fut inhumé sur le théâtre. En 1900, la propriété fut acquise par Solange Laporte‑Bisquit ; Camille de La Croix y intervint ensuite et publia ses observations en 1907. Des campagnes plus récentes se sont déroulées entre 1974 et 1995, révélant les vestiges d’une agglomération secondaire associée au sanctuaire et au théâtre.
Le sanctuaire est organisé autour d’un péristyle qui enserre deux ensembles architecturaux appartenant à des phases distinctes, l’un daté du Ier siècle et l’autre de la fin du IIe ou du début du IIIe siècle. Dans l’aire orientale, les fouilles ont mis au jour les fondations d’un temple octogonal de tradition celtique et d’un temple rectangulaire pourvu de pronaos et de cella ; le temple octogonal a livré un nombre important de monnaies du Ier siècle, interprétées comme un trésor de fondation ou une offrande initiale. L’aire occidentale comprend quant à elle deux fana identiques. Aucune inscription n’a été retrouvée, mais une statue de Mercure en argent doré à la feuille d’or a été découverte de façon fortuite dans un contexte archéologique complexe, ce qui empêche de conclure sur l’identité des divinités vénérées.
Les monnaies mises au jour, dont certaines remontent à la seconde moitié du Ier siècle av. J.‑C. et s’étendent jusqu’à l’époque de Marc Aurèle, indiquent une occupation qui débute avant la période romaine et se poursuit pendant plusieurs siècles. Le sanctuaire est classé au titre des monuments historiques depuis 1992. On ignore précisément quelles divinités y étaient honorées ; la découverte fortuite de la statuette de Mercure apporte une piste mais n’apporte pas de certitude.
Le théâtre, intégré au même ensemble cultuel, ne relève pas d’une vocation strictement récréative : il a servi à des cérémonies religieuses et au culte impérial, la scène et l’orchestre permettant l’installation d’effigies et le déroulement de jeux ou de rites face à la communauté civique installée dans la cavea. Ainsi, le site illustre l’articulation entre traditions celtiques et pratiques apportées par la romanisation.
Le site est accessible en visite libre toute l’année ; l’été sont proposées des visites guidées, des animations archéologiques, des nuits gallo‑romaines et des spectacles comme les Sarabandes des Bouchauds.