Origine et histoire du Sanctuaire Notre-Dame de Laghet
Laghet est un hameau de la commune de La Trinité, dans les Alpes-Maritimes en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Dès le XVIIe siècle, une chapelle dédiée à la Vierge y est liée à des guérisons miraculeuses ; aujourd'hui le sanctuaire Notre-Dame de Laghet, le plus important sanctuaire marial du diocèse de Nice, est aussi l'un des plus fréquentés en France. Le toponyme vient de laguet, « petit lac » ou « étang » ; la graphie italienne gh explique la forme Laghet, tandis qu'en langue niçoise on dit Laguet et les habitants sont appelés lu Aguetan ou lu Valounié. En 1045, Raimbaud de Nice donne le castrum de Lacs à l'abbaye Saint-Victor de Marseille ; une charte mentionne alors une source aménagée en fontaine et les moines ont sans doute édifié une chapelle. Dès le XVe siècle, des textes signalent une chapelle servant de lieu de pèlerinage pour les habitants de La Turbie, d'Èze et de Villefranche. En 1652, dans la modeste chapelle du vallon de Laghet, la Vierge aurait répondu aux prières par plusieurs miracles, ce qui provoqua une enquête diocésaine lancée par l'évêque Désiré Pallétis en 1653. Trente-six miracles furent enregistrés et vingt-deux authentifiés après examen par une commission de théologiens ; la plupart concernaient des maladies graves supposées incurables et se caractérisaient par une guérison immédiate et définitive attestée par des témoins. La nouvelle se répandit rapidement : le capucin François de Sestri publia en 1654 une notice en vieil italien sur les miracles et les pèlerinages, le premier pèlerinage officiel eut lieu le 25 avril 1654 en présence des syndics de Nice, et l'historien Pierre Gioffredo relata ces premiers événements. Le sanctuaire actuel fut élevé sur une éminence rocheuse entre 1653 et 1655 ; les ex-voto commencèrent alors à couvrir ses murs et la composition architecturale permet d'attribuer l'édifice à l'ingénieur niçois Jean-André Guibert. L'église, orientée vers l'est, présente un décor baroque avec un clocher à bulbe ; elle comprend une nef unique rectangulaire en trois travées, un chœur à chevet plat, une voûte en berceau peinte en grisaille et des stucs abondants qui ornent l'architrave, l'arc triomphal et les voûtes des chapelles latérales. Notre-Dame de Laghet fut ouverte le 21 novembre 1656. En 1674, des Carmes déchaux venus de Turin, installés par l'évêque Henri Provana de Leyni, construisirent un couvent autour d'un cloître ; l'église fut consacrée en 1768 par l'évêque Henri Astesan. En 1792, les troupes révolutionnaires pillèrent le sanctuaire ; il put être rendu au culte dès 1796 et les Carmes y demeurèrent jusqu'au 13 août 1903, date de la promulgation de la loi sur les Congrégations. De 1666 à 1849 les ducs de Savoie firent régulièrement pèlerinage à Laghet ; le roi de Sardaigne Charles-Emmanuel III visita le sanctuaire après l'achèvement des travaux, Charles-Félix de Savoie s'y rendit en 1826 avec la reine Marie-Christine, et le roi Charles-Albert s'y arrêta sur le chemin de l'exil le 26 mars 1849. Des campagnes de restauration et d'embellissement eurent lieu en 1816, 1838 et 1887, cette dernière après des dommages causés par un séisme et la foudre au clocher. Le sanctuaire s'est enrichi au fil du temps de la crypte de Sainte-Thérèse et de la « Chapelle de la Vierge noire », présentée comme une reconstitution de la chapelle primitive au rez-de-jardin de l'aile ouest. Le Couronnement de la Vierge de Laghet se déroula du 19 au 22 avril 1900 ; le chanoine Dalbera racheta l'église et les locaux en 1907, qui abritèrent alors le petit séminaire diocésain avant d'être transformés en maison de retraites spirituelles en 1930. Une restauration conduite par les Monuments historiques eut lieu en 1964 et une nouvelle campagne de travaux fut engagée à partir de 1984 pour harmoniser les enduits colorés des façades et du clocher. Depuis 1978, l'accueil, l'animation spirituelle et l'hôtellerie du sanctuaire sont assurés par les bénédictines du Sacré-Cœur de Montmartre, établies au prieuré de Notre-Dame de Laghet. Plusieurs petits ermitages et les moines qui s'y retirent sont rattachés au sanctuaire ; reconnus par l'institution catholique, ils restent volontairement confidentiels pour préserver leur solitude face au tourisme et à la proximité urbaine. De 2002 à 2012, le séminaire de Laghet forma les futurs prêtres des diocèses de Nice, Monaco et Vintimille avant d'être transféré à Aix-en-Provence ; depuis 2019 trois prêtres Missionnaires de Notre-Dame de la Salette sont présents à Laghet, dont le recteur. La statue en bois polychrome de la Vierge à l'Enfant, placée dans la niche au-dessus du maître-autel, date de 1625 et est l'œuvre du sculpteur parisien Pierre Moïse ; appelée Vierge des Prodiges, elle fut restaurée par le peintre niçois Giovanni Rocca et offerte par le prêtre Don Giacomo Fighiera en juin 1652. Les inventaires mentionnent un important trousseau de robes et de manteaux, souvent en satin ou en soie brodés et ornés, dont certaines pièces provenaient des ducs de Savoie. L'image de la Vierge est traditionnellement intitulée « Santa Maria de Laghetto » ou « Notre-Dame de Laghetto », la forme italienne reflétant l'affluence de pèlerins venus des diocèses d'Albenga, de Vintimille et de Ligurie ; la Vierge et l'Enfant sont couronnés, ce qui semble confirmer qu'une cérémonie solennelle de couronnement a eu lieu en 1753, et l'iconographie ancienne montre la Vierge tenant un sceptre, un cœur attaché par un ruban et deux scapulaires carrés. La collection d'ex-voto de Laghet compte aujourd'hui plus de six mille pièces conservées dans l'oratoire, le cloître-déambulatoire, le musée et la crypte ; le plus ancien est daté de 1792, la plupart des ex-voto antérieurs au XIXe siècle ayant disparu. Huit cents ex-voto sont classés monuments historiques, dont la moitié sont des tableautins peints qui narrent en détail les circonstances des événements ; à Laghet, un atelier local utilisa la technique du fixé sur verre, consistant à peindre au revers d'une vitre. Parmi les causes représentées par ces ex-voto figurent des maladies (notamment une maladie psychiatrique attestée en 1937 et des épisodes en 1902-1903), des chutes, des accidents de la circulation (1894), des accidents du travail (1837), et des naufrages datés de 1831 et du 12 avril 1832.