Origine et histoire du site archéologique
Le site archéologique du Camp d'Affrique se trouve au sud-est du plateau de Haye, à une dizaine de kilomètres de Nancy, dans un bois dominant la vallée de la Moselle d'environ 200 mètres et s'étendant principalement sur les communes de Messein et Ludres. Installé sur le rebord d'une cuesta, le plateau est formé en surface de calcaires à polypiers et à entroques du Bajocien, qui reposent sur des calcaires sableux ; au pied des falaises, des couches de minerai de fer oolithique (minette lorraine) ont été exploitées aux XIXe et début XXe siècles. Le toponyme vient du titre de comte d'Affrique adopté en 1520 par Nicolas de Ludre, seigneur originaire d'une colline appelée Mont Afrique en Bourgogne, qui donna son nom au castrum. Connu dès 1532, le site fut au XVIIIe siècle qualifié à tort de camp romain ; il a fait l'objet de relevés et d'études par plusieurs archéologues au XIXe siècle, puis de fouilles au début du XXe siècle par Jules Beaupré, et de campagnes récentes conduites par Jean-Paul Lagadec dans les années 1980. Les sondages et fouilles des années 1980 ont permis de dater le début de l'occupation au Ve siècle av. J.-C. (Hallstatt D3) et son abandon au cours du IVe siècle av. J.-C. (La Tène B1), le site relevant ainsi du premier âge du Fer. L'enceinte, de type « rebord de plateau », s'appuie sur la falaise et le versant est ; sa forme générale est celle d'un trapèze rectangle à angles arrondis, d'environ 360 mètres de long sur 225 mètres de large, soit près de sept hectares. En bas du versant s'adosse une seconde enceinte rectangulaire d'environ 220 mètres sur 70 mètres, appelée « Vieux Marché », qui couvre près d'1,5 hectare et paraît constituer une annexe de la fortification principale. La défense principale comprend deux remparts successifs, chacun précédé d'un fossé d'environ 2 mètres de profondeur : ces remparts parallèles, hauts d'environ 5 mètres, présentent des modes de construction différents ; le rempart extérieur est formé des déblais issus du fossé, tandis que le rempart intérieur comporte une couche de calcaire calciné recouverte de pierres et de terre, reposant sur un remblai de terre d'environ 1,5 mètre. L'annexe dite « Vieux Marché » est protégée par un rempart d'environ 3 mètres de haut, précédé d'un fossé et prolongé par le mur extérieur de l'enceinte principale ; ce rempart semble construit de blocs calcaires irréguliers, et son entrée ancienne est probablement située du côté est, près d'un puits au pied de la rampe d'accès. Les fouilles ont révélé des vestiges d'habitat surtout dans l'angle nord‑est : six trous de poteau circulaires ou ovalaires (0,15 à 0,30 m de diamètre, 0,15 à 0,40 m de profondeur) délimitent un bâtiment presque rectangulaire d'environ 6 m sur 3 m, avec plusieurs aires de foyer dans sa partie sud. Dans le secteur nord ont été mis au jour deux solins de mur en pierre et en terre, l'un orienté ouest‑est (3 m × 0,75 m) et l'autre perpendiculaire (6 m de long pour 0,70 m de large), ainsi que d'autres foyers dont un de 1 m de diamètre en prolongement d'une file de poteaux. Le mobilier abondant associé à ces structures éclaire les activités des habitants : de nombreuses meules témoignent de la culture des céréales et de la production de farine, les ossements évoquent une économie axée sur l'élevage plutôt que sur la chasse, et la présence d'outils de bois (haches, clous, vrilles) indique des travaux du bois. Les vestiges métallurgiques comprennent fragments de creusets, gouttelettes de bronze et jets de coulée, morceaux de tôle découpée, matière bitumineuse et divers outils, qui attestent l'existence d'un atelier de production et de décoration d'objets de parure en bronze, probablement à l'origine d'une abondance de fibules et d'épingles ; quelques scories issues de la réduction du minerai montrent que le fer était aussi produit localement, même si l'atelier de production n'a pas été retrouvé dans la zone fouillée. De plus, la découverte d'un couteau à lame recourbée suggère le travail de l'osier et la présence de nombreux fuseaux et aiguilles à chas indique une activité textile soutenue ; l'ensemble mobilier est complété par armes, outils, objets de toilette et céramiques. Le site présente un intérêt particulier comme ensemble cohérent de fortifications occupé pendant une période relativement brève et comme témoignage d'un habitat permanent dense et d'un artisanat florissant ; on note en outre la calcination volontaire du rempart, analogue à celle observée sur d'autres sites de hauteur fortifiés de la région. Le Camp d'Affrique a été classé parmi les « sites et monuments de caractère artistique » par Jules Beaupré au début du XXe siècle et est inscrit au titre des monuments historiques depuis 1998.