Origine et histoire du site archéologique
Le site de la Croix-Guillaume concentre sur un même plateau les fonctions d’un hameau antique : habitat, activités économiques, culte et nécropole, illustrant l’occupation des hauteurs vosgiennes à l’époque gallo-romaine (Ier‑IIIe siècle). Il se situe à Saint‑Quirin (Moselle), à une vingtaine de kilomètres de l’agglomération antique de Pons Saravi (Sarrebourg), dernière étape de la voie Langres–Strasbourg avant le col de Saverne. Le plateau d’environ 7 000 m², formé de grès, culmine à 487 m et domine à l’est la vallée de la Sarre rouge et à l’ouest la vallée de la Sarre blanche. Connu des érudits depuis le XVIIIe siècle, le site a fait l’objet de sondages à partir de 1962 puis de fouilles plus récentes entre 1994 et 1999. Le mobilier céramique et métallique, de même que de nombreuses stèles funéraires ou votives et des monuments en ronde-bosse, sont en partie conservés et exposés au musée du pays de Sarrebourg. Le site est inscrit aux monuments historiques depuis le 11 septembre 2003.
La mise en place de l’occupation est attribuée, d’après la datation de tessons trouvés dans des fondations, à la fin du Ier siècle, vers 80 de notre ère, et l’abandon intervient dans la seconde moitié du IIIe siècle. Les fouilles ont mis au jour environ 80 structures funéraires, six carrières et deux aires cultuelles importantes situées entre la zone d’habitat et la nécropole ; leurs dimensions sont respectivement de 15 × 9 m et 14 × 6 m. Des fragments d’au moins quatre colonnes ornées de cavaliers anguipèdes ont été découverts ; l’un d’entre eux porte un aigle, attribut de Jupiter. Une statue du dieu Taranis‑Jupiter, aujourd’hui au musée lapidaire d’Avignon, le représente tenant une roue, avec un aigle à ses pieds. Plusieurs stèles votives évoqueraient des divinités telles que Rosmerta et Mercure, et un corps de taureau en ronde-bosse, attribut de Mercure, a également été retrouvé. Une borne milliaire découverte en 1869 entre le Petit et le Grand Donon confirme l’existence d’une voie antique reliant le Donon à l’agglomération de Sarrebourg via la Croix‑Guillaume.
L’habitat comprend un bâtiment principal de 22 × 8 m et quatre autres unités plus modestes, de l’ordre de 5 à 6 m sur 2 à 5 m, qui correspondraient aux logements de carriers et de leurs familles. Une citerne au nord du plateau était vraisemblablement utilisée pour recueillir eaux de pluie et ruissellement, tandis que des terrasses aménagées témoignent d’activités culturales et agro‑pastorales. Dans la nécropole, des urnes en céramique contenant cendres et ossements incinérés sont employées jusqu’à la fin de l’occupation ; les tombes étaient marquées par des cercles ou des enclos de pierres toujours visibles. À partir de la fin du IIe siècle apparaissent, plus rarement, des coffres en bois ou des contenants en grès ; de nombreuses offrandes y ont été retrouvées, notamment haches en fer, fibules en bronze, fusaïoles, anneaux et couteaux, parfois accompagnés de rondes‑bosses représentant la déesse Épona.
Parmi les stèles, les stèles‑maisons en grès, parfois ornées d’une rouelle ou d’une rosace, sont nombreuses ; on trouve aussi des stèles‑plaques à buste, des stèles à édicule et des urnes en grès. Les carrières antiques du lieu‑dit la Croix‑Guillaume étaient exploitées par des carriers et des tailleurs de pierre résidant sur place, tandis que certains éléments taillés semblent être l’œuvre d’artisans itinérants destinés au commerce extérieur, comme l’atteste une plaque taillée des deux faces pour un mausolée. Les carrières laissent des traces d’exploitation visibles : fronts de taille, tas de déchets, lignes d’emboîtures, traces d’ancrage de machines de levage, blocs en cours de taille, caniveaux d’évacuation et coins en fer.
Le site se trouve quelques kilomètres à l’est du village de Saint‑Quirin, dans la forêt domaniale, en direction de Lettenbach et d’Abreschviller par la route départementale 96 ; on y accède depuis les Deux‑cols en prenant la route des Quatre‑chemins jusqu’au parking, puis en suivant le balisage jusqu’au carrefour de la Croix‑Guillaume et le GR 5 sur 200 m, le site étant atteint après une dizaine de minutes de marche.