Site archéologique de Port La Nautique à Narbonne dans l'Aude

Site archéologique de Port La Nautique

  • 11100 Narbonne
Site archéologique de Port La Nautique
Site archéologique de Port La Nautique
Propriété privée ; propriété de la commune ; propriété d'une société privée

Période

Gallo-romain, Haut-Empire

Patrimoine classé

Le terrain de 23 000 m2 contenant un établissement gallo-romain, situé à Port-la-Nautique (cad. E 1258p, lieudit Garrigues de Saint-Laurent) : classement par arrêté du 15 octobre 1971 - Les parcelles cadastrées IN 66 et 67, avec les vestiges archéologiques qu'elles contiennent, situées rue des Nautiquards au lieudit Port La Nautique : classement par décret du 31 mai 2011 - La parcelle IN 68, rue des Nautiquards, avec les vestiges archéologiques qu'elle contient : classement par arrêté du 22 novembre 2011

Origine et histoire

Narbonne s’est développée autour d’un vaste système portuaire établi en bordure des étangs, qui lui permettait de communiquer par mer avec Rome et le reste de la Méditerranée. Les premières fouilles à La Nautique ont été menées de 1903 à 1907 sous la direction du capitaine Molins; des sondages ont suivi en 1925 et 1954-1955, puis des observations en zone immergée dès 1970 ont révélé de nombreuses céramiques, des éléments d’accastillage et une ancre en chêne vert à jas de plomb. D’importantes découvertes ont été faites dans les années 1992 et 1998-1999 sous la forme d’un aménagement portuaire massif, et un diagnostic archéologique de 2010 a mis au jour un ensemble de bâtiments identifiés comme des docks attribuables au Ier siècle de notre ère.
Les ports antiques de Narbonne formaient un système complexe comprenant des ports fluviaux sur l’Aude (Atax), des ports maritimes, des canaux, des entrepôts, des ateliers et des zones de transformation. Ce dispositif favorisait le commerce de l’Italie vers la Gaule narbonnaise, l’Hispanie et l’Aquitaine, notamment pour le vin, et faisait de Narbonne, après Rome, l’un des principaux complexes portuaires de la Méditerranée occidentale jusqu’à la fin de l’Antiquité. L’écrivain Ausone notait au IVe siècle que « tout ce qui navigue dans l’univers vient aborder à tes quais ».
La côte antique, au niveau de La Nautique, correspondait à une mer intérieure enserrée par un chapelet d’îles — Sainte-Lucie, Saint-Martin, Guissan, la Clape, Leucate et d’autres — qui protégeait une lagune maritime calme à l’embouchure de l’Aude. Une grande partie de Port-la-Nouvelle et Coursan se trouvait alors sous les eaux; Vendres et Cuxac-d’Aude fonctionnaient comme ports secondaires, et Narbonne était traversée par l’Aude sur le cours de la Robine, donnant vers cette mer intérieure au niveau du quartier Malard. Pline désignait ce palus comme le « Mare narbonesus » ou « rubrensis », en référence aux limons rouges charriés par l’Aude, et le cordon littoral n’était pas encore formé. L’Aude, navigable dans ce palus, suivait le tracé de l’actuelle Robine, passait au nord de l’île Sainte-Lucie et se jetait dans la mer au niveau de l’actuelle Port-la-Nouvelle; il est également possible qu’un grau à l’embouchure permettait l’accès à la haute mer en franchissant des hauts-fonds.
La présence de cette lagune protégée a guidé la fondation de Narbo Martius comme ville portuaire en 78 av. J.-C. et explique la structuration du territoire en plusieurs ports et canaux, mentionnés encore au Ve siècle apr. J.-C. Un avant-port à Gruissan recevait les navires à fort tirant d’eau, tandis que l’île Saint-Martin servait au débarquement et au stockage; des fouilles de 2015 y ont mis en évidence un complexe architectural comprenant un grand bâtiment en grand appareil, une cour, des pièces attenantes, des citernes et une tour.
La zone de La Nautique accueillait un débarcadère et des activités de production telles que la poterie et la vinification, avant d’être abandonnée en 59 apr. J.-C. Elle abritait une villa maritima de grand luxe dotée d’un vivarium exceptionnel pour poissons et huîtres, construit en 30 av. J.-C. et détruit en 10, dont le diamètre de 65 mètres en fait le plus grand connu. Cette villa, volontairement détruite à une époque ancienne, a été redécouverte et protégée au titre des monuments historiques (inscriptions en 1971 et 2011); les fouilles ont révélé un bon état de conservation, y compris des structures en bois, des terrasses et un bâtiment en élévation le long de la route vraisemblablement identifié comme un horreum. Après la découverte d’égouts en 1914, la villa a été retrouvée plus complètement en 2018 : on a alors dégagé des tuyaux en plomb pour l’adduction d’eau, des ailes de la demeure et une aile nord riche en mosaïques. La taille remarquable de la villa, de ses jardins en terrasse et de ses équipements (vivarium et deux piscines) a suscité des interrogations sur le commanditaire; une hypothèse importante propose l’Empereur Auguste, qui organisa la province en 27 av. J.-C., mais la destruction volontaire de la villa a aussi été reliée par certains chercheurs aux troubles des années 69-70.
Les secteurs actuels du Castélou et du Mandirac succèdent au site de La Nautique, où l’embouchure de l’Aude fut canalisée par de larges digues carrossables pour atteindre des fonds suffisants permettant aux navires à fort tirant d’eau de transvaser leurs cargaisons vers des barques fluviales ou des charrettes à destination du port fluvial de Narbo Martius. Ces ouvrages, profonds de 3,50 m, formaient un canal d’environ 50 m et une largeur de 16 à 17 m, et étaient probablement pourvus d’entrepôts; à partir du IVe siècle, le canal a été réparé à plusieurs reprises — parfois avec des pierres issues de monuments de Narbonne comme le Forum — puis les digues ont été abandonnées au Ve siècle.
La disparition progressive du port résulte de l’ensablement lié au changement majeur du cours de l’Aude, qui s’est détourné de Narbonne vers l’étang de Vendres. Certains auteurs, tels que Verneuil, attribuent ce basculement à une crue catastrophique en 1316, tandis que d’autres estiment que l’ensablement a été un processus progressif propre aux plaines alluviales et aggravé par la rupture et l’abandon des endiguements en amont.

Liens externes