Origine et histoire du site archéologique
Les ruines gallo-romaines de Tintignac, à Naves (Corrèze), forment un site archéologique d'importance régionale, unique en milieu rural en Limousin. Découvert au XIXe siècle et fouillé notamment entre 1842 et 1884, il a été classé monument historique dès la liste de 1840. Le site occupe le versant oriental du plateau de Naves, entre le Puy de l'Aiguille et le Peuch Redon, et offre une visibilité d'environ 180° sur les Monédières et les vallées de la Vimbelle et de la Corrèze. Il se situe à 8 km au nord de Tulle et est proche de la sortie « Tulle Nord » de l'A89. Bordant une ancienne voie commerciale appelée « route des métaux », Tintignac-Naves se trouve au croisement de cette voie et de la voie impériale construite sous Hadrien reliant Lugdunum à Burdigala. Les archéologues pensent que cette situation a favorisé les échanges entre les Lémovices et les commerçants transitant par la région. Les fouilles récentes montrent une occupation dispersée autour du sanctuaire, tant à l'époque gauloise que durant la période gallo-romaine, rattachant le site plutôt à une agglomération secondaire qu'à une ville.
Le toponyme est attesté sous la forme occitane Tintinhac au XIIe-XIIIe siècle ; il pourrait dériver d'un nom de personne latin Tintinius avec le suffixe -acum, « lieu de », tandis que son appellation antique reste inconnue. Plusieurs phases d'occupation et de remaniement se succèdent sur le site : romanisation à la fin du Ier siècle av. J.-C., développement lié à la voie impériale, apogée au IIIe siècle avec la construction du théâtre, puis un incendie volontaire au IVe siècle évoqué par certains auteurs. Le site a d'abord accueilli un sanctuaire gaulois, constitué d'une aire sacrée délimitée par une palissade ouverte vers l'est et d'un bâtiment de bois reconstruit à plusieurs reprises, marqué par la trace d'un feu continuel.
À la période gallo-romaine, ce sanctuaire a été transformé en un ensemble monumental religieux comprenant notamment un fanum, un grand temple à double cella, un bâtiment en hémicycle et un portique appelé « tribunal ». Deux autres constructions, ajoutées à partir de la première moitié du IIe siècle, et un théâtre de type gallo-romain adossé à l'est de l'édifice semi-circulaire complètent l'ensemble ; le théâtre pouvait accueillir environ 2 500 personnes lors de grandes cérémonies. La configuration et l'articulation des bâtiments de Tintignac-Naves présentent des caractéristiques uniques dans le monde romain rural.
Les fouilles récentes menées depuis 2001 par l'INRAP ont livré en 2004 une fosse contenant près de 500 fragments d'objets en fer et en bronze : épées, fourreaux, fers de lance, umbo de bouclier, casques dont un figurant un oiseau, têtes et corps d'animaux, un chaudron et sept carnyces dont l'un est presque entier. Ces découvertes, étudiées par l'équipe de Christophe Maniquet, constituent la première mise au jour en contexte archéologique d'objets de ce type sur un sanctuaire gaulois. En 2009, la descente dans un puits de 13 mètres a permis de repérer un aqueduc praticable sur 2 mètres de hauteur et orienté vers l'est sur 10 mètres.
Malgré ces campagnes, le site reste largement inexploré : le fanum a été fouillé intégralement, la moitié de l'édifice semi‑circulaire et une basilique du portique ont été dégagés, tandis qu'au moins quatre autres bâtiments n'ont jamais été fouillés sur un site qui s'étendrait sur près de 60 hectares. Les pièces gauloises restaurées par le laboratoire Materia Viva ont fait l'objet d'expositions internationales, dont une première étape à Berne, puis l'exposition « Tintignac, 2000 ans et 1 jour » au musée de Sarran en 2020-2021, avant d'être entreposées et finalement restituées à Naves en avril 2022 où quatre pièces spectaculaires sont présentées dans un espace dédié. Le site dispose d'un local d'exposition temporaire et d'une protection partielle des vestiges ; seul le fanum est actuellement visible en plein air, les autres murs étant recouverts en attente d'opérations de conservation.
Connu des habitants depuis longtemps, Tintignac a attiré l'attention d'érudits dès le XVIIe siècle et a été parfois désigné à tort comme les « Arènes de Tintignac ». Après des campagnes de fouilles au XIXe siècle et les visites de personnalités telles que Prosper Mérimée et Abel Hugo, les recherches contemporaines ont permis d'affiner la connaissance du site et de ses dépôts exceptionnels. L'Office de Tourisme de Tulle en Corrèze assure la valorisation et propose un programme d'animations estivales ainsi que des visites guidées, tandis que les visites de groupe et les ateliers scolaires sont organisés toute l'année par des structures locales.