Origine et histoire des Grottes d'Isturitz et d'Oxocelhaya
Le site archéologique des grottes d'Isturits, d'Oxocelhaya et d'Erberua regroupe une série de cavités naturelles fréquentées depuis la préhistoire sur la colline de Gaztelu, dans la vallée de l'Arberoue, en Basse-Navarre (Pyrénées-Atlantiques). Classé parmi le réseau des grottes ornées de la chaîne pyrénéo-cantabrique, il est protégé au titre des monuments historiques depuis 1953. Les grottes se situent sur les communes d'Isturits et de Saint-Martin-d'Arberoue, à proximité d'Hasparren, et ont été creusées successivement par la rivière Arbéroue. La série comprend la grotte d'Isturitz, la plus élevée, la grotte d'Oxocelhaya située vingt mètres plus bas et renommée pour ses concrétions, et la grotte d'Erberua, où coule encore l'Arbéroue ; ces cavités ont connu des occupations humaines longues et variées, de l'ordre de 80 000 à 10 000 ans avant notre ère.
La grotte d'Isturitz se développe en une vaste galerie d'environ 120 par 50 mètres, orientée nord-ouest–sud-est, autrefois ouverte à ses deux extrémités mais obstruée au sud-est par des éboulements, et comprend deux grands volumes : la salle Saint‑Martin, basse, et la Grande Salle d'Isturitz, d'environ 1 500 m² et jusqu'à 15 mètres de hauteur, ainsi que des salles plus petites dites des Rhinolophes et des Phosphates. Un escalier a été creusé en 1953 au pied du pilier gravé pour faciliter l'accès touristique vers Oxocelhaya. Oxocelhaya présente des systèmes distincts (Hariztoia et Oxocelhaya) avec les galeries Laplace et Larribau, tandis que la grotte d'Erberua laisse s'écouler un ruisseau sur quelque 300 mètres, reçoit un petit affluent et est protégée par deux siphons ; la partie ornée s'élève d'environ quinze mètres au-dessus du cours d'eau et s'ouvre sur une petite salle d'où rayonnent six diverticules.
Les toponymes renvoient à la langue basque : Isturitz dérive de Izturitz et comporte le suffixe -itz, Oxocelhaya est une graphie non académique de Otsozelaia (« plaine aux loups ») et Erberua reflète la prononciation locale de l'Arbéroue ; la colline Gaztelu signifie « château ».
L'entrée principale d'Isturitz était connue anciennement et a livré des éléments médiévaux distincts de l'entrée actuelle ; des objets préhistoriques ont été mis en évidence dès la fin du XIXe siècle. Des mentions écrites signalent des mines d'or au XVIIe siècle et, en 1785, le baron de Dietrich signale les cavités en recherchant cet or. Vers 1884 des exploitants de guano découvrent des silex et os taillés, présentation qui alerte Édouard Piette en 1895, et la grotte reçoit des visiteurs illustres tels que Napoléon III et Eugénie en 1860 et Pierre Loti en 1893. Au XXe siècle, l'entrée vers Saint‑Martin‑d'Arberoue est ouverte en 1912 et se succèdent plusieurs campagnes de fouilles : Passemard (1913–1920), Suzanne‑Raymonde et René de Saint‑Périer (1928–1949, puis jusqu'en 1954), puis d'autres interventions dans les années 1950 et au-delà. Oxocelhaya est découverte en 1929 par Jean‑Paul Etchegaray ; les deux grottes sont classées en 1953 et reliées cette même année ; la colline est protégée en 1996. Des fouilles menées dans les années 1955–1956 ont mis au jour des restes d'ours des cavernes et les premières œuvres pariétales d'Oxocelhaya, la paléopalynologue Arlette Leroi‑Gourhan a publié une analyse pollinique en 1959, et d'autres découvertes pariétales et gravées ont été réalisées dans les décennies suivantes, notamment dans la galerie portant le nom de Larribau et la galerie Georges Laplace. Des opérations de protection ont été sollicitées en 1992 et des campagnes récentes ont eu lieu entre 1999 et 2010, sous la direction de chercheurs comme Christian Normand, parallèlement à des réinterprétations artistiques du réseau.
L'occupation humaine commence au Moustérien, il y a environ 80 000 ans, et la stratigraphie d'Isturitz est complète pour cette période : Néandertaliens puis Homo sapiens se succèdent, avec des épisodes d'hibernation d'ours entre ces occupations, et une présence d'Homo sapiens dès le Protoaurignacien. Le site est célèbre pour une importante série de flûtes paléolithiques attribuées à des phases allant de l'Aurignacien ancien au Magdalénien, soit approximativement de 35 000 à 10 000 ans av. J.-C., parmi les plus anciennes d'Europe après Hohle Fels, ainsi que pour des harpons en os, des figurines de bison sur plaquette et des têtes de propulseurs en bois de renne. Les grottes conservent aussi des sculptures et des peintures pariétales ; le pilier gravé d'Isturitz est la partie accessible au public.
Le pilier gravé, situé au centre de la Grande Salle à une trentaine de mètres de l'entrée nord, est un pilier de calcite active d'environ 4 mètres de diamètre dont la partie supérieure fut recouverte de calcite récente ; le panneau le plus lisible comporte cinq représentations figuratives et deux traits indéterminés, avec des motifs interprétés comme un oiseau, deux biches sans tête, un renne et probablement un poisson, le renne étant superposé à une biche ; d'autres panneaux présentent des esquisses d'animaux et des figures inachevées. La technique du bas‑relief observée sur ce pilier rapproche ces œuvres du Magdalénien moyen et se rencontre également dans plusieurs régions de France et de la côte cantabrique.
Les collections issues des fouilles anciennes (Passemard, Saint‑Périer) sont conservées au musée d'Archéologie nationale à Saint‑Germain‑en‑Laye et un inventaire publié en 1955 illustre la richesse du gisement : au moins 7 831 outils en os, 33 814 objets lithiques dont 25 652 outils, plusieurs centaines d'œuvres d'art et plusieurs milliers de fragments osseux. Les objets appartenant aux propriétaires sont conservés au centre archéologique départemental d'Hasparren. Les occupations successives livrent des assemblages caractéristiques des industries et de la faune du Moustérien au Néolithique, avec des phases abondantes au Gravettien et au Magdalénien et des éléments solutréens et postglaciaires. L'étude du génome d'une femme datée d'environ 30 000 ans a révélé une ascendance liée au site de Sungir (Russie), interprétée comme le témoignage d'un flux génétique à longue distance ou d'une composante ancestrale ancienne ayant persisté localement, ce qui renforce l'idée d'un rôle du site dans des échanges culturels et biologiques pendant le Paléolithique supérieur.
L'ensemble d'Isturitz et d'Oxocelhaya est aujourd'hui intégré aux réseaux professionnels des cavernes aménagées pour le tourisme, tels que l'ANECAT et l'ISCA.