Origine et histoire
Le site paléolithique du Pou, aussi appelé site du Rozel, est un gisement préhistorique situé sur la pointe du Pou, commune du Rozel (Manche), en Normandie. Installé au bord de la Manche sur une dune dont l'affleurement date du Pléistocène supérieur, il conserve plusieurs niveaux d'occupation néandertalienne. Datés par luminescence optiquement stimulée, ces niveaux sont attribués au Paléolithique moyen récent, autour de 80 000 ans. Le site a été découvert en 1967 par Yves Roupin lors de l'érosion du littoral, puis sondé et fouillé à plusieurs reprises, notamment en fouilles de sauvetage en 1969 et lors de campagnes régulières depuis 2012. Face à la perte progressive de surfaces par l'érosion marine, des mesures de protection ont été prises, dont un enrochement et des consolidations, et les fouilles annuelles sont conduites depuis 2012 sous la direction de Dominique Cliquet. Les sols d'occupation, alternant surfaces végétalisées et coulées boueuses, ont été enfouis puis fossilisés par des couches de sable d'origine éolienne enrichies en oxydes de fer et de manganèse et, pour certaines couches, en carbonates, ce qui a favorisé une conservation exceptionnelle. Les méthodes de fouille adaptées ont inclus l'emploi de treillis métalliques pour protéger les niveaux, un travail délicat au pinceau et la géolocalisation, la photographie et le dessin systématiques des empreintes avant leur prélèvement et leur examen en laboratoire. Entre 2012 et 2017, près de 1 500 empreintes de pieds et de mains ont été relevées, dont 257 empreintes de pieds et 8 de mains ont fait l'objet d'analyses détaillées ; en 2019 une trentaine d'empreintes de mains ont été répertoriées et en 2020 le total d'empreintes recensées a été porté à environ 2 000. Ces empreintes forment une zone fortement piétinée plutôt que des pistes individuelles et témoignent de passages récurrents de groupes humains composés d'adultes, mais surtout d'adolescents et d'enfants, parmi lesquels certains très jeunes ; une empreinte a été attribuée à un enfant de deux ans. Les estimations de taille des individus concernés s'échelonnent, selon les auteurs, de 66 à 189 centimètres. Les fouilles ont mis au jour trois aires de traitement des carcasses où la protéomique a permis d'identifier des aurochs, des cervidés (cerfs élaphes et mégacéros), des chevaux et une mâchoire de morse. Certains os portent des traces de découpe réalisées avec des couteaux en silex et des éclats retrouvés in situ attestent que certains outils ont été fabriqués sur place. Des foyers et des dispositifs de boucherie montrent que des viandes étaient fumées sur des plaquettes de schiste extraites de la falaise, au‑dessus de feux alimentés avec du bois de pin et de l'os spongieux, et que des os longs avaient été fracturés pour en extraire la moelle sur des blocs de schiste et de quartz. Le matériel lithique comprend des outils en silex et en quartz, avec des éclats de type Levallois dans les niveaux supérieurs et des lames et lamelles dans les niveaux inférieurs. Le site a livré des vestiges osseux en connexion anatomique et des esquilles parmi des fragments de plaques de schiste, ce qui soulève la question de la relation spatiale entre ces éléments et les ensembles d'empreintes. Des plumes d'oiseaux de grande taille, dont certaines attribuées à des pygargues à queue blanche, ainsi que des plumes de goélands argentés et de buses variables, ont été découvertes ; leur usage possible pour la parure a été évoqué. Au total, 25 espèces d'oiseaux, principalement migratrices, ont été recensées grâce aux travaux d'un chercheur de l'Institut royal des Sciences naturelles de Belgique. Hors du site espagnol d'El Sidrón, le Rozel est l'un des rares gisements à fournir des données crédibles sur la composition et la taille d'un groupe néandertalien, et il constitue un conservatoire exceptionnel pour le Paléolithique moyen. L'étude des empreintes alimente la paléoichnologie et permet de reconstituer la démarche et le comportement locomoteur des Néandertaliens, dont la marche apparaît très proche de celle d'Homo sapiens. Le site paléolithique moyen du Pou a été inscrit au titre des Monuments historiques par arrêté du 5 avril 2023.