Période
Préhistoire
Patrimoine classé
Stations préhistoriques numéros III et IV (partie) , lieux-dits Rives du Lac et La Motte aux Magnins (cad. AK 53, 102) : classement par arrêté du 17 septembre 1979 ; Portions immergées des stations préhistoriques numéros III en bordure de la parcelle AK 102, lieu-dit La Motte aux Magnins, et IV bordant en partie les parcelles 53-171 et 172, lieuxdits Rive du Lac et Le Grand Lac de Clairvaux (section AL) : classement par arrêté du 29 février 1980 ; Les sites palafittiques, en totalité, situés au nord et au sud du Grand Lac, sur les parcelles numéros 72, 74, 75 et 256, figurant au cadastre section AI, sur les parcelles numéros 56 à 91, 94, 95, 99 à 101, 126, 127, 150, 208 à 211, 226 à 23, 236, 256 à 258, 260, 272 et 273, figurant au cadastre section AK, sur les parcelles numéros 3, 24, 27, 75, 154, 161 et 162, figurant au cadastre section AL sur les parcelles numéros 8 à 19 et 58, figurant au cadastre section AM, tels que délimité en rouge sur le plan annexé à l'arrêté : inscription par arrêté du 9 mars 2022
Origine et histoire des Stations préhistoriques
Le Grand Lac de Clairvaux rassemble plus de 18 sites palafittiques préhistoriques du Néolithique, répartis autour du lac sur la commune de Clairvaux-les-Lacs, dans le Jura. Ce groupe de cités lacustres fait partie des 111 sites palafittiques inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO le 27 juin 2011, aux côtés de sites situés en Allemagne, en Autriche, en France, en Italie, en Slovénie et en Suisse. Le Grand Lac se situe à vol d'oiseau à environ 20 km au sud‑est de Lons‑le‑Saunier et à 50 km au nord‑ouest de Genève. Installé au cœur du massif jurassien, il occupe une petite vallée glaciaire d'environ 1 km de largeur et 3,5 km de longueur, à une altitude comprise entre 525 et 530 m, entourée de collines culminant autour de 600 m. Le village de Clairvaux‑les‑Lacs forme un arc autour du lac et borde la partie nord du site, située à au moins 100 m du rivage nord et à environ 1 km de la partie sud, entre le Grand Lac et le Petit Lac.
Le paysage et les sols ont été profondément modelés par le glacier jurassien lors de la glaciation de Würm, ce qui explique la prédominance des débris glaciaires dans l'environnement. Sur les hauteurs subsistent des affleurements de calcaires jurassiques, vestiges d'un ancien plateau érodé par le glacier, et la combe d'Ain marque la limite maximale du glacier, comme l'attestent les moraines frontales. Ces moraines ont contribué à la formation d'un lac par barrage, l'imperméabilité des débris glaciaires favorisant la constitution d'un plan d'eau qui, au fil du temps, s'est comblé par des marais et des tourbières séparant aujourd'hui le site en deux lacs. Les sites palafittiques sont implantés dans ces tourbières et marais acides où la décomposition de la matière organique est ralentie, permettant une conservation exceptionnelle des vestiges lacustres.
Les fluctuations du niveau du Grand Lac durant l'occupation néolithique ont été reconstituées par datation au carbone 14, notamment sur la station Clairvaux IX et sur les bords du Petit Lac. Durant l'Atlantique ancien, vers 6 500 BP, le niveau était comparable à l'actuel et les sédiments carbonatés de cette période sont riches en oncolithes. L'Atlantique récent connaît une courte régression vers 6 350 BP suivie d'une remontée au‑dessus du niveau actuel, tandis que le début du Subboréal, vers 4 925 BP, se caractérise par une nouvelle brève régression suivie d'une transgression. Entre 4 585 et 3 520 BP, le lac subit une régression prolongée, suivie ensuite de phases de transgression entrecoupées de courtes régressions vers 2 915, 2 885 et 2 560 BP. L'amplitude de ces variations reste relativement faible, de l'ordre d'un mètre, comme l'atteste l'alternance de lithofaciès tourbeux et carbonatés formés en zone eulittorale peu profonde. Les phases de transgression correspondent à un renforcement du ruissellement et de l'érosion des pentes riveraines, ce qui entraîne l'apport de débris lithoclastiques dans les niveaux carbonatés, tandis que ces débris sont absents des niveaux tourbeux.
Les premières découvertes fortuites remontent à 1835 et, en 1858, la mise au jour de deux haches en pierre polie indiquait déjà la présence d'une station lacustre. En 1870, Jules Le Mire identifie des têtes de pieux en chêne émergentes et, profitant d'une baisse exceptionnelle du niveau des eaux, il effectue sondages et fouilles sur la Motte‑aux‑Magnins, mettant au jour un fumier lacustre d'environ 80 cm d'épaisseur riche en mobilier sur plus de 100 m². Le Mire publie ses recherches en 1872 et propose une reconstitution des habitats comme maisons sur pilotis à plancher rehaussé, mais la reprise des eaux et la guerre de 1870 interrompent ses travaux. Par la suite, le site a été exploité pour alimenter collections et marchés d'antiquités, tandis que des fouilles ponctuelles sont menées par Émile Chantre, G. d'Ault et Louis Capitan à la fin du XIXe siècle. L'abbé Bourgeat a analysé les vestiges et signalé la présence de diverses espèces animales ainsi que des indices d'échanges sur de longues distances pour le matériel lithique.
Le débat sur la nature des « cités lacustres » oppose l'interprétation ancienne de villages construits sur pilotis à des hypothèses privilégiant des implantations sur terre ferme surélevées pour se protéger des crues ; les études menées à Clairvaux IX montrent que les établissements se sont installés lors de phases de régression ou au début de transgressions, sans schéma unique, et que les hautes eaux saisonnières ont pu laisser des habitats les pieds dans l'eau. Les campagnes archéologiques ont livré plusieurs centaines d'objets organiques, souvent composites, dont une petite pirogue de 52 cm taillée dans un tronc de hêtre, interprétée comme un jouet d'enfant datant du début du XXXe siècle av. J.-C. Le traitement des bois gorgés d'eau a été réalisé dans les années 1990‑2000 par l'atelier régional de conservation Nucléart à Grenoble, par imprégnation au polyéthylène glycol suivie d'une lyophilisation ; la nature tourbeuse des sédiments confère aux objets une coloration plus prononcée que celle observée dans des sédiments crayeux.
Parmi les menaces actuelles figurent des remblaiements sauvages au nord, des drains artificiels au sud destinés à assécher les bas‑marais, et l'extension touristique et des campings qui peuvent provoquer compaction et enfouissement des vestiges ; le site de Clairvaux XVII est déjà partiellement recouvert par des déblais modernes. Plusieurs secteurs ont reçu des protections au titre des monuments historiques : Clairvaux III et IV ont été classés le 17 septembre 1979, La Motte‑aux‑Magnins le 29 février 1980, et la totalité des sites palafittiques situés au nord et au sud du Grand Lac a été inscrite le 9 mars 2022. L'inscription au patrimoine mondial couvre une surface de 15,2 ha entourée d'une zone tampon de plus de 103,05 ha, renforçant la reconnaissance et la protection de ces vestiges néolithiques.