Origine et histoire de la Statue de Duguesclin
La statue équestre dite de Duguesclin, réalisée par Arthur Le Duc dans les années 1910, se trouve sur la place Saint‑Martin à la limite nord du centre‑ville ancien de Caen, dans le Calvados. Présentée au Salon des artistes français en 1912 sous forme de plâtre et intitulée Un compagnon de Duguesclin à Cocherel : B. Goyer de Matignon, elle fut montrée en bronze en 1914, fondue par René Fulda. Après la mort de l'artiste en février 1918, la statue demeura dans son atelier jusqu'à ce que sa veuve l'offre au département du Calvados le 26 mars 1920 en vue de son installation à Caen. Si l'on envisagea d'abord de la placer devant l'hôtel de préfecture, la municipalité mit finalement à disposition un emplacement sur la place Saint‑Martin, dans l'axe de la rue Saint‑Manvieu et des fossés Saint‑Julien, et vota une subvention pour le monument. L'architecte départemental André Guillemin‑Tarayre dessina le piédestal, prêt en juillet 1921, et la statue fut installée sur son socle le 28 août 1921, orientée de manière à tourner le dos à l'abbaye aux Hommes et à regarder vers le château de Caen. En 1923 Guillemin‑Tarayre proposa de reprendre le titre de 1912, mais la veuve d'Arthur Le Duc s'y opposa ; malgré la présence des armoiries des Goyon de Matignon et d'un visage différent de celui du connétable, l'identification à Bertrand du Guesclin fut gravée sur le piédestal en 1925. Sous le régime de Vichy la statue faillit être déboulonnée et fondue dans le cadre de la mobilisation des métaux non ferreux, mais elle en fut exemptée en raison de son intérêt artistique et historique. Retirée de son piédestal le 7 décembre 2010 pour restauration, elle vit son système de fixation remplacé et consolidé, puis fut réinstallée le 6 avril 2011. La statue et son socle font l'objet d'une inscription au titre des monuments historiques depuis le 18 août 2006. Le monument est une statue de bronze posée sur un piédestal en béton de 80 m3, revêtu de granit breton, dont la face principale, orientée vers les fossés Saint‑Julien, porte une inscription. Arthur Le Duc apporta un grand soin au rendu du vêtement, de l'armure et de l'anatomie du cheval, faisant du mouvement le véritable sujet de l'œuvre et célébrant le cheval dans une reconstitution d'une scène médiévale. Le cavalier porte une tenue militaire du dernier tiers du XIVe siècle : un bassinet à bec de passereau protégeant la tête et un camail en anneaux, une armure de plates avec épaulières, brassards, coudeières à ailettes, canons d'avant‑bras et gantelets, ainsi qu'un surcot où se devine un lion rampant, blason des Goyon de Matignon. La partie inférieure comprend cuissots, genouillères, grèves et solerets pointus. Formé par Antoine‑Louis Barye et connu comme sculpteur animalier, Le Duc s'inspira des études de mouvement de Muybridge et Marey pour reproduire un galop rapide à quatre temps, présenté ici dans sa première phase à droite, seule la patte postérieure gauche touchant le sol. Pour assurer la stabilité de la composition, il ajoute une bannière tombée que l'animal foule de sa patte droite, créant un second point d'appui invisible à première vue. Tous les éléments accentuent l'impression de vitesse : l'équilibre horizontal de l'animal, la nuque ouverte, la tête tendue vers l'avant, les oreilles rabattues et la queue en panache ; la position du cavalier, troussequin relevé, jambes tendues et pieds profondément engagés dans les étriers, participe également au mouvement. Le cavalier, confiant en sa monture, a lâché les rênes pour saisir son épée, la torsion du buste et les regards divergents de l'homme et de l'animal renforçant le dynamisme de la scène. Cette statue équestre, d'un défi technique notable pour un art traditionnellement synonyme de stabilité, illustre la prédilection d'Arthur Le Duc pour le Moyen Âge et pour la célébration du mouvement et de l'animal.
