Origine et histoire de la Synagogue
L'actuelle synagogue de Bayonne, dessinée par l'architecte Capdeville, a succédé en 1837 à un édifice du début du XVIIIe siècle dont elle conserve l'Arche sainte. Située 35 rue Maubec, dans le quartier Saint-Esprit, elle est un édifice néo‑classique de plan basilical à tribunes conçu pour accueillir 300 fidèles. La première pierre fut posée en 1836 et l'inauguration eut lieu en 1837; le bâtiment a peu été transformé depuis, si ce n'est l'ajout de vitraux et de peintures polychromes en 1871. Réquisitionnée et fortement endommagée pendant la Seconde Guerre mondiale, la synagogue sert aujourd'hui aux offices du shabbat et se remplit surtout lors des grandes fêtes et des cérémonies.
La communauté juive du Saint‑Esprit, faubourg nord alors autonome, s'est formée après les expulsions d'Espagne et du Portugal et rassemble des "nouveaux chrétiens" venus de Navarre et du Portugal. Ces familles, qui en public se conformaient au catholicisme, restèrent fidèles au judaïsme et furent progressivement autorisées à résider et à commercer à Bayonne par des lettres patentes royales. À partir du XVIIe siècle elles revinrent ouvertement au judaïsme et furent désignées comme Juifs portugais; leur poids économique leur permit parfois de résister à des pressions, comme lors d'une affaire impliquant un émissaire de l'Inquisition. Très actives dans le négoce international, notamment avec les Caraïbes, Amsterdam ou Londres, les familles juives bayonnaises ont aussi contribué au développement du commerce du chocolat dans la ville. L'organisation communautaire reposait sur des statuts rassemblés en 1752 et sur un gouvernement dirigé par le trésorier (gabay) et des syndics (parnassim) qui prélevaient des ressources pour les charges sociales. L'édit de Versailles de 1787 leur accorda la citoyenneté et le droit de résidence à Bayonne, même si beaucoup continuèrent à vivre principalement à Saint‑Esprit. Pendant la Révolution, plusieurs synagogues locales fermèrent et certains objets du culte furent sauvés tandis que d'autres furent détruits, le rabbin Andrade ayant notamment caché des rouleaux de Torah. Au début du XIXe siècle Napoléon réunit des Notables et le Grand Sanhédrin, et la communauté de Saint‑Esprit fut rattachée au consistoire de Bordeaux jusqu'à l'établissement d'un consistoire local en 1846, puis à son transfert à Bayonne après l'union de 1857.
La population juive connut un essor au XVIIIe siècle puis un déclin progressif: après des milliers de fidèles au milieu du siècle, le nombre était d'environ 2 000 au début du XXe siècle puis d'environ 1 000 à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Après la guerre la communauté se reconstitua en nombre réduit (environ 240 en 1945) puis se stabilisa en partie grâce à l'arrivée de Juifs d'Afrique du Nord; aujourd'hui elle regroupe environ 200 familles réparties de Dax à Hendaye.
Au XIXe siècle, considéré comme l'âge d'or de la communauté, les institutions comprenaient la Hébéra pour l'entraide, l'administration de la synagogue et le Talmud Torah; ces structures furent réorganisées après l'union des Juifs de Bayonne et de Saint‑Esprit et la création du consistoire local. La Hébéra prit en charge la charité, l'entretien du cimetière et, à partir de 1859, l'administration d'un asile pour orphelins, malades et personnes âgées fondé grâce à des banquiers locaux. L'école de Talmud Torah, financée par la communauté, devint école publique en 1848 puis conserva uniquement l'instruction religieuse après la laïcisation des écoles en 1887; une école de filles et une crèche ouvrirent en 1845.
La synagogue est construite en retrait de la rue, entre deux pavillons, avec une façade néoclassique; un porche central, trois oculi au premier étage et une inscription biblique en hébreu et en français (Isaïe) ornent l'entrée. Particulière par son orientation, l'entrée se trouve à l'est et l'Arche Sainte à l'ouest, disposition rare inspirée de l'orientation du Tabernacle et du Temple décrits dans la Bible. La salle de prière est rectangulaire, avec des galeries pour les femmes sur trois côtés; l'abside à fond plat et l'Arche Sainte, conservée de l'ancien oratoire, sont séparées de la nef par un arc plein‑cintre soutenu par deux colonnes en marbre grenat. L'Arche, en bois de style Louis XVI rococo, comporte portes centrales et latérales, colonnes cannelées et une riche ornementation sculptée et dorée; un vitrail en forme de rose réalisé par le verrier Mauméjean orne le mur au‑dessus. La tevah, placée au centre selon le rite séfarade, et la menorah en bois doré proviennent aussi de la tradition de l'ancienne synagogue. Les galeries reposent sur des piliers toscans et le plafond est à caissons; les bâtiments sur rue abritaient autrefois la maison de l'officiant, une boulangerie pour la confection des matzot et des salles d'études.
La synagogue appartient à l'Association cultuelle israélite de Bayonne‑Biarritz et bénéficie d'une protection au titre des monuments historiques, inscrite en 1995 et classée en 2012; le cimetière juif, établi en 1689, est lui aussi inscrit. La ville de Bayonne est propriétaire d'un appartement contenant l'ancien mikvé, élément rare du patrimoine juif, inscrit aux Monuments Historiques en 2014; ce mikvé n'est pas ouvert au public.
La communauté a accueilli de nombreux rabbins érudits venus d'Italie, d'Amsterdam, de Palestine et des colonies hispaniques, dont plusieurs auteurs rabbiniques des XVIIe et XVIIIe siècles. Après la création du consistoire de Bayonne, une succession de grands‑rabbins a exercé ses fonctions; Ernest Ginsburger fut le dernier en poste avant d'être arrêté et déporté pendant la Seconde Guerre mondiale, et la communauté connut ensuite une longue période sans rabbin. Dans la seconde moitié du XXe siècle, l'arrivée de Juifs d'Afrique du Nord a conduit à pourvoir à nouveau le poste, plusieurs rabbins se succédant jusqu'à la personne mentionnée comme rabbin actuel.
La liturgie pratiquée relève du rite dit portugais, d'origine ibérique, avec des chants liturgiques spécifiques; au XIXe siècle l'instauration de chœurs et la publication de recueils ont structuré cette tradition musicale, qui a toutefois décliné avec la diminution de la population d'origine portugaise. Depuis les années 1980, des chercheurs et des associations ont entrepris des enregistrements pour préserver ces chants.