Origine et histoire
Un autel taurobolique est un monument de pierre élevé pour commémorer un sacrifice appelé taurobole, pratiqué en l’honneur de la déesse Cybèle ; lorsque l’animal sacrifié est un bélier, on parle de criobole. Il se présente sous la forme d’un bloc parallélépipédique, généralement muni d’une base moulurée et d’un couronnement (corniche et bandeau d’attique, parfois en fronton), dont la hauteur peut atteindre un mètre et demi ; la nature de la pierre varie selon les régions (calcaire, marbre blanc à Lectoure, granit à Texon). La face principale porte une inscription indiquant le bénéficiaire et le donateur du sacrifice, le nom du prêtre et parfois d’autres éléments, tandis que les faces latérales sont ornées en bas‑relief de motifs liés au culte. Ces reliefs représentent presque toujours la tête de l’animal sacrifié — taureau pour le taurobole, bélier pour le criobole — souvent ornée de bandelettes (infulae) ou d’un collier de perles; les deux têtes peuvent coexister sur un même autel. S’y ajoutent des symboles du culte d’Attis, comme le pin ou la pomme de pin, et le bonnet phrygien. Les objets liturgiques figurés comprennent des cruches pour le vin (œnochoé, burette), l’urceus, la patène, la ciste, le bâton recourbé pedum, l’aspersoir, le couteau du sacrifice (harpè, caractérisé par un crochet en forme de croissant), le glaive, le tympanon et les cymbales. Les instruments de musique — flûtes, percussions — sont souvent représentés, signe de la place importante du tibicen (joueur de flûte) et du caractère bruyant des fêtes liées à Cybèle et Attis; les autels de Lectoure constituent à cet égard une exception notable. L’autel n’avait pas de fonction sacrificielle pendant la cérémonie : il était réalisé après le sacrifice, à titre commémoratif. Les inscriptions indiquent, de manière plus ou moins complète, l’invocation à la déesse (abrégée), la mention du taurobolium ou du criobolium, le ou les bénéficiaires, les commanditaires, le prêtre célébrant et parfois des participants tels que le tibicen, les galles, archigalles ou dendrophores ; certains textes mentionnent également le souverain régnant ou la date de la cérémonie, et le changement d’un verbe épigraphique (fecit ou accepit) peut renvoyer à des modalités différentes de la pratique. Les tauroboles et crioboles apparaissent avec l’introduction du culte à Rome; contrairement aux lieux d’origine anatolienne, ils n’ont pas laissé de monuments comparables en Anatolie. À Rome, le principal centre du culte se situait sur la colline du Vatican; lors des travaux de 1618 de nombreux autels brisés ont été mis au jour et la ville conserve aujourd’hui une quinzaine d’exemplaires. Un autel découvert en 1919 près de la place Saint‑Pierre, portant une inscription grecque évoquant un sacrifice de taureau et de bélier, se trouve désormais dans les réserves des musées du Vatican. En Espagne, des autels ont été trouvés à Cordoue et à Mérida, la graphie tauribolium y étant fréquente; au Portugal, les musées archéologiques de Faro et de Belém conservent des autels uniquement crioboliques. En France, ces monuments se concentrent principalement dans les zones d’occupation romaine — Provence, Lyon et vallée du Rhône, Narbonnaise et Aquitaine — ; la plus importante collection est celle de Lectoure, où vingt autels sont conservés au musée Eugène‑Camoreyt, et Die possède sept autels pour la Narbonnaise, dont plusieurs sont exposés au musée de Die ou conservés en collections privées. De nombreux autres exemplaires et fragments sont répartis dans les musées et sur les sites de Bordeaux, Périgueux, Narbonne, Lyon (musée gallo‑romain de Fourvière), Valence, Riez, Avignon, Vence, Caveirac, Le Pouzin, Porquerolles et ailleurs. On signale également des découvertes en Gaule celtique (Mont‑Dol, Poitiers, Flavignac, Metz, Vesoul), en Grèce (deux autels d’origine phlyenne conservés à Athènes) et en Algérie (Zana). Le recensement précis reste difficile car de nombreux autels sont incomplets, non identifiables ou dépourvus d’inscription; le Corpus Cultus Cybelae Attidisque rassemble un inventaire de ce type d’objets, et les comptages publiés varient selon les auteurs.