Origine et histoire du Temple de Diane
Le temple romain dit de Diane se situe à Aix-les-Bains (Savoie), l’antique Aquae relevant de la cité de Vienne en territoire allobroge. Les fouilles de 1988-1989 ont mis en évidence des séquences stratigraphiques qui situent la construction de l’édifice dans la première moitié du IIe siècle de notre ère. Sur le côté nord, des structures de fondation pourraient correspondre aux vestiges d’un temenos délimitant un espace sacré autour du monument. Avant la construction du temple, une structure maçonnée polygonale en petits moellons était implantée sur le site ; trois segments de mur de 2,60 m et le départ d’un quatrième permettent de restituer un diamètre de 24 m, sans qu’il soit possible d’affirmer s’il s’agissait d’un polygone complet. Le temple est ensuite édifié légèrement décalé vers l’ouest, sur une terrasse en relation avec un agrandissement des thermes voisins. À 22 m en avant et dans l’axe du monument, un seuil monumental large de 2,75 m, taillé en blocs calcaires moulurés réemployés, marque l’accès et comporte des feuillures pour un portail à deux vantaux. Un mur de clôture, partiellement détruit par le creusement du fossé du château des marquis d’Aix, semble avoir entouré le temple, et cet enclos a favorisé la réutilisation et la conservation partielle du monument. À la fin de l’Antiquité, au Ve siècle, l’édifice paraît avoir été agrandi vers l’est par le prolongement de ses deux antes, portant sa longueur à plus de 46 m et laissant supposer une nouvelle affectation, possiblement religieuse ; une donation de 867 mentionne d’ailleurs un édifice religieux implanté en ce lieu. Les fouilles ont mis au jour une quinzaine de sépultures antérieures au Xe siècle, situées à proximité ou à l’intérieur de la construction. Par la suite, le temple fut intégré au château seigneurial, utilisé comme cellier et sans doute comme carrière de pierre, puis transformé en salle de spectacle lors de l’aménagement du château en casino en 1824 ; la paroi nord fut alors doublée pour supporter des gradins. Trop modeste, ce théâtre fut abandonné après l’ouverture du Casino Grand-Cercle. La ville racheta le bâtiment à la famille de Seyssel en 1868 et y installa le musée Lepic en 1874 ; à cette occasion la toiture fut reprise, une verrière zénithale ouverte et une mezzanine métallique créée dans la cella, ce qui nécessita l’ajout de contreforts contre le mur nord. Le musée Lepic disparut en 1939 ; après la Seconde Guerre mondiale le temple abrita le musée archéologique, ouvert en 1948, et il est classé au titre des monuments historiques depuis 1875. Le monument, situé dans la partie occidentale de la place Maurice-Mollard, est accolé à l’hôtel de ville dont le mur méridional est visible depuis l’intérieur. Les premières occupations romaines d’Aix-les-Bains, liées à l’aménagement de sources thermales, remontent à la seconde moitié du Ier siècle ; le site, implanté sur le flanc ouest du mont Revard, bénéficie d’un microclimat et d’une proximité avec le lac du Bourget. À la lumière des travaux récents, Aquae apparaît davantage comme un vicus rural accompagné d’un complexe thermal fréquenté par l’aristocratie locale que comme une agglomération urbaine dotée d’un centre monumental. Les familles qui finançaient et exploitaient les thermes faisaient construire à proximité des monuments funéraires ; le temple dit de Diane et l’arc de Campanus pourraient ainsi appartenir à un même ensemble funéraire. Le temple conserve trois murs extérieurs intégralement et ses dimensions sont de 17,20 m de longueur, 13,65 m de largeur et 13,12 m de hauteur depuis le sol antique, sans compter les tympans des frontons haut de 2,30 m. Il repose sur un podium de 3,29 m et son entrée se situe à l’est en liaison avec les thermes ; un mur transversal de 0,80 m sépare la cella (10,50 × 10,30 m) du pronaos (4,30 × 10,30 m). L’élévation est construite en grand appareil assemblé à joints vifs sans mortier, sur un massif de fondation de 1,56 m en petits moellons ; le podium comporte cinq assises et les murs treize assises. La pierre employée, dite « pierre de Seyssel », proviendrait des carrières de Franclens et de Surjoux. Le décor, sobre et en partie dégradé, se compose d’un entablement visible comportant une architrave à trois bandeaux, une mouluration, une frise non décorée et une corniche moulurée ; le choix de l’ordre (ionique, corinthien ou toscan) fait débat parmi les spécialistes. Un chapiteau toscan et deux tambours de colonne retrouvés à proximité pourraient appartenir à la colonnade de façade, mais cette attribution est contestée sur des critères stylistiques. À l’examen des vestiges, les murs ouest et nord sont conservés jusqu’au niveau de la corniche, le fronton occidental et son grand appareil étant encore visibles, tandis que la façade orientale, la toiture et les aménagements intérieurs ont disparu et ne peuvent être restitués. La fonction exacte du bâtiment reste discutée : l’attribution à la déesse Diane repose sur une tradition médiévale sans fondement certain, et les hypothèses vont du nymphée ou casino thermal au temple consacré à Borvo ou à la déesse de la santé, voire à une construction du culte impérial. La découverte d’une statue acéphale en marbre représentant une femme en péplos a alimenté des lectures diverses — Hygie, statue impériale honorifique ou Perséphone — et laisse ouverte la possibilité d’une fonction cultuelle ou funéraire. Sur la base d’un examen global du site, certains chercheurs, notamment Philippe Leveau, proposent d’interpréter le monument comme un mausolée-temple intégré à un complexe funéraire lié aux familles locales aisées, ce qui expliquerait son plan et son implantation marginale par rapport à un éventuel centre urbain.