Origine et histoire
Le théâtre gallo-romain de Lisieux, édifice de spectacles daté du IIe siècle, se situe sur la commune de Saint-Désir, limitrophe de Lisieux (Calvados). Des ruines sont signalées dès la fin du XVIIe siècle, d'abord identifiées à tort comme l'emplacement de Noviomagus Lexoviorum ; les recherches récentes privilégient l'hypothèse d'un quartier périphérique entourant un sanctuaire, analogue à des ensembles comme celui de Gisacum. L'édifice lui‑même est reconnu au début du XIXe siècle mais n'a jamais fait l'objet de fouilles systématiques ; la commune a acquis la majeure partie de son emprise antique et le site a été protégé et classé au titre des monuments historiques dans les années 1980, avec de modestes travaux de restauration menés en 1984-1985. Il appartient à la catégorie des théâtres à arène — types mixtes, fréquents en Gaule romaine, qui permettaient d'accueillir à la fois des manifestations théâtrales, des jeux de gladiature et des fêtes religieuses. La date précise de son abandon reste inconnue ; des couches de destruction riches en charbon observées au XIXe siècle par Arcisse de Caumont suggèrent que des parties en bois ont brûlé, et certains auteurs évoquent des destructions touchant la ville au IIIe siècle. L'édifice est implanté dans le fond d'un vallon et utilise la topographie : l'hémicycle et les gradins s'appuyaient sur le flanc du coteau tandis que la scène et ses dépendances se trouvaient de l'autre côté d'un ruisseau, autrefois canalisé, qui traversait le monument entre l'orchestra et le mur de scène. La présence d'un tel équipement monumental dans la capitale des Lexoviens illustre le processus de romanisation et la capacité d'adaptation locale de modèles importés.
Durant l'Antiquité, l'ensemble s'inscrit dans un territoire vaste et complexe : l'oppidum du Castellier, probable centre administratif des Lexovii, se situe à quelques kilomètres et la cité romaine reste mal connue en l'absence de données permettant une exploitation scientifique complète. Le site du théâtre constitue à l'est d'un vaste complexe le vestige le mieux conservé présentant des structures importantes. Le secteur nommé Vieux‑Lisieux a été interprété comme un sanctuaire rural doté d'édifices monumentaux — portiques, théâtre, aqueduc, piles maçonnées et rues larges — et certains chercheurs estiment qu'il comportait également des quartiers et des voies.
L'édifice de spectacles a été construit au IIe ou au IIe–IIIe siècle ; un tesson de céramique datable du IIe siècle a été retrouvé dans son mortier. Il accueillait divers spectacles et cérémonies, et des combats pouvaient se dérouler dans l'orchestra. Le ruisseau, autrefois plus important et canalisé, a pu servir d'accès à la cavea par des couloirs voûtés, selon des observations anciennes. Au XIIe siècle, une ferme réemploie des matériaux du mur de scène.
La redécouverte moderne du site s'étend du XVIIIe au XXe siècle : des sondages furent entrepris en 1770 par l'ingénieur Hubert, puis des levés et fouilles ont eu lieu en 1818–1820 sous la direction de Louis Du Bois, qui identifia correctement l'édifice ; des interventions ponctuelles ont encore lieu en 1874 et dans les années 1927–1928. Au XXe siècle le site a été en partie exploité pour des constructions, des trouvailles ont été faites in situ, et il a longtemps été recouvert de vergers puis d'herbages avant d'être acquis par la commune de Saint‑Désir en 1979 et classé monument historique en 1984. Depuis lors, le site a connu des opérations de mise en valeur mais reste menacé par les fouilles clandestines et les pillages.
Le théâtre demeure encore mal connu faute de fouilles méthodiques ; ses dimensions précises restent discutées et plusieurs estimations divergentes ont été proposées. La topographie révèle cependant la forme générale : une cavea elliptique à fort dénivelé, une summa cavea bordée de murs de circulation et des murs radiants, avec des travaux de maçonnerie importants aux deux extrémités. La construction associe petit appareil et briques : assises alternées de moellons liées par un mortier de qualité, lits de moellons séparés par chaînages en dalles de terre cuite et larges briques. De grands arcs maçonnés, destinés à compenser la différence de niveau au creux du vallon, soutenaient les gradins posés au‑dessus du cours d'eau. La frons scaenae est mal conservée, en partie démantelée par les récupérateurs de matériaux, et il est difficile de préciser si certains éléments de l'avant‑scène ou des gradins étaient en bois ou en pierre ; François Cottin a proposé trois phases de construction, repérables par la variété des mortiers et des appareils.
L'usage exact de l'édifice reste incertain : il s'inscrit dans le type polyvalent des théâtres‑amphithéâtres, qui évitait l'édification d'un nouveau monument onéreux et répondait aux besoins d'un sanctuaire ou d'une agglomération secondaire. Les fouilles manquent pour confirmer le lien précis avec le sanctuaire du Vieux‑Lisieux, mais les travaux de Claude Lemaître ont mis en évidence la présence d'un sanctuaire rural à proximité, ce qui fait du théâtre un élément probable du dispositif cultuel et festif. Monument de prestige, l'édifice témoigne de l'importance des pratiques spectaculaires et de l'économie des constructions publiques dans la romanisation locale, alors que des chercheurs comme Raymond Lantier ont appelé depuis longtemps à des investigations méthodiques qui restent, pour l'instant, largement à entreprendre.