Origine et histoire du Théâtre
Le théâtre des Bouffes‑du‑Nord, situé 37 bis boulevard de la Chapelle dans le 10e arrondissement de Paris et desservi par la station La Chapelle, est une salle de spectacles de 530 places réparties entre parterre, rang de loges et galerie. Commandé à l'architecte Émile Leménil pour servir de café‑concert et construit sur les fondations d'une caserne dont le projet aurait été abandonné, il est inauguré en 1876. Ses directions se succèdent sans réussir à attirer un large public, en partie à cause de l'excentrisme et du caractère populaire alors peu desservi et mal éclairé du quartier de la Chapelle. Abel Ballet en devient propriétaire en 1885 et y programme des fresques historiques et des mélodrames, accueillant notamment la jeune Yvette Guilbert dans La Reine Margot d'Alexandre Dumas. De 1893 à 1894, la salle reçoit la compagnie du théâtre de l'Œuvre de Lugné‑Poe. En 1896 Emmanuel Clot et G. Dublay prennent la direction ; la salle est restaurée et électrifiée en 1904 et rebaptisée théâtre Molière, programmant des auteurs comme Henry Kistemaeckers, Georges Darien et Gaston Leroux. Fermé au début de la Première Guerre mondiale, il rouvre en 1917 sous son nom d'origine comme music‑hall, dirigé par Oscar Dufrenne et Henri Varna, puis par Henry Darcet à partir de 1923, qui l'intègre au « Consortium des théâtres de quartiers ». Après des changements de direction et une période de déclin à partir de 1935, le lieu connaît plusieurs tentatives de relance : Jean Serge en mai 1945 crée le théâtre des Carrefours, René Marjolle tente une programmation lyrique, puis Charles Béai relance la comédie fin 1950, avant une fermeture administrative en juin 1952 pour non‑conformité aux normes de sécurité. Menacée de destruction et laissée à l'abandon, la salle est rachetée en 1969 par Narcisse Zecchinel, qui confie sa restauration au Centre international de recherche théâtrale de Peter Brook et Micheline Rozan. La réouverture a lieu en 1974 avec Timon d'Athènes, dans une adaptation de Jean‑Claude Carrière et une mise en scène de Peter Brook. Le théâtre est inscrit au titre des monuments historiques le 30 avril 1993. Peter Brook commence à se retirer de la direction en 2008 ; celle‑ci est confiée à l'automne 2010 à Olivier Mantei et Olivier Poubelle. En 2020, le peintre Gérard Fromanger décore le plafond du foyer. Le répertoire des Bouffes‑du‑Nord couvre une large palette : dès la fin du XIXe siècle y sont jouées des œuvres d'Ibsen, Hauptmann, Rachilde et d'autres auteurs liés au théâtre de l'Œuvre ; au XXe siècle la salle alterne mélodrames, music‑hall, pièces contemporaines, opéras de chambre et concerts. Depuis la réouverture, la programmation a associé classiques (Shakespeare, Tchekhov, Racine, Molière) et créations contemporaines, avec des productions marquantes signées Peter Brook, Jean‑Claude Carrière, Philippe Calvario, Denis Podalydès et d'autres metteurs en scène, ainsi que des artistes musicaux tels que Milva, Astor Piazzolla, Mayra Andrade ou Michel Portal. La diversité des formes présentées — théâtre parlé, opéra de chambre, concerts et projets interdisciplinaires — témoigne du rôle durable des Bouffes‑du‑Nord comme lieu de création et d'expérimentation.