Origine et histoire
Le théâtre municipal, dit théâtre Victor-Hugo, est situé dans la ville haute de Fougères, à proximité de la rue Nationale ; il occupe une parcelle étroite, profonde et en forte pente, bordée à l'est par la place du Théâtre et au nord par la rue de la Pinterie, et ses façades ouest et sud sont intégrées à l'îlot bâti voisin. Construit par l'architecte fougerais Jean‑Marie Laloy sous la Troisième République, le projet réemploya en partie les murs de l'ancienne halle et s'inscrivit dans un vaste programme municipal comprenant halles, bibliothèque, justice de paix et bureau de poste. Le conseil municipal approuva le projet à la fin des années 1870 et la salle fut inaugurée le 24 septembre 1886 ; elle connut une activité soutenue jusqu'à la fin des années 1960, interrompue par les dommages de la guerre entre 1944 et 1946, puis fermée pour cause d'obsolescence et de non‑conformité aux normes de sécurité. Inscrite à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques en 1988 et dont la façade fut classée en 1990, la salle a été restaurée à l'identique lors de travaux entrepris entre 1996 et 2001 ; réouverte le 8 décembre 2001, elle offre désormais une jauge réduite et accueille des spectacles de plus petite capacité et des manifestations intimistes.
La façade principale, austère et monumentale, témoigne d'une ambition ostentatoire : elle reprend, à une échelle locale, des éléments inspirés du grand théâtre d'Angers et de l'éclectisme du Second Empire, avec bossages, pilastres et colonnes au fût lisse, chapiteaux corinthiens, entablements et frises sculptées. L'élévation s'articule en trois registres — rez‑de‑chaussée, étage noble et attique couronné d'un fronton — et met en valeur une travée centrale animée par balcons, cartouches et consoles ; l'ornementation comprend des guirlandes, des cartouches marbrés portant l'inscription "Théâtre" et des attributs symbolisant la Comédie et la Tragédie. Le décor sculpté, réalisé par l'ornemaniste rennais Gaumerais, s'achève par un couronnement orné de motifs végétaux et d'une tête de Bacchus, tandis que la pierre calcaire employée souligne le caractère ostentatoire de l'ensemble.
L'intérieur répond à un parti pris rationaliste : Laloy a conçu une salle fonctionnelle, centrée sur un axe médian derrière la travée centrale, avec un vestibule surmonté du foyer donnant directement sur le parterre et desservi par deux escaliers latéraux menant aux étages. La salle combine plan "à la française" et élévation "à l'italienne" organisée en plusieurs niveaux de galeries, de sorte que, sans adopter la forme en fer à cheval, le jeu des courbes des balcons anime l'espace inscrit dans un carré aux pans coupés. Le décor, inspiré des théâtres classiques, privilégie des tons sombres et riches — bleu foncé, rouge grenat et or — et reste majoritairement peint, avec quelques éléments sculptés tels que feuilles d'acanthe, lyres et pendentifs de coupole. La coupole métallique, portée par quatre piliers d'angle, est ornée d'un trompe‑l'œil et de pendentifs décoratifs ; le cadre de scène concentre les sculptures principales, dont deux anges portant les armes de Fougères et des trophées d'instruments de musique. L'espace scénique, peu profond mais légèrement incliné, offre une visibilité adaptée au public, et les loges des artistes se trouvent au sous‑sol.