Origine et histoire des Thermes de Saint-Saloine
Les thermes de Saint-Saloine sont les vestiges de l’un des deux établissements de bains romains reconnus dans la ville de Mediolanum Santonum (Saintes). Ils correspondent à la troisième phase d’occupation du site, traduite par la construction d’un établissement thermal monumental à la fin du Ier siècle apr. J.-C., sur un lieu occupé depuis le début de notre ère par des ateliers, des habitations et peut‑être un édifice public dont les traces sont fugaces. La moitié du complexe a disparu ou reste inaccessible, mais les vestiges conservés permettent de restituer le plan général et suggèrent que la façade méridionale a pu être aménagée en fontaine monumentale, proposition toutefois débattue. Classés au titre des monuments historiques en 1904, ces vestiges figurent parmi les quatre monuments antiques encore visibles en élévation à Saintes, avec l’arc de Germanicus, l’amphithéâtre et le rempart gallo‑romain.
Les thermes occupent la partie centrale de la ville antique, au sommet de la colline dite de Saint‑Saloine, dont la crête est orientée ouest‑est et qui culmine vers 30 m d’altitude ; le site domine la vallée de la Charente à l’est et le ravin de Saint‑Saloine, plus bas d’environ 15 m, par lequel un ruisseau se jetait autrefois dans la Charente. Dans la ville actuelle, les vestiges se situent dans le quartier Saint‑Vivien et sont bordés au nord par la rue des Thermes romains, qui les sépare du cimetière Saint‑Vivien.
Les ruines figurent déjà sur un plan de Georg Braun daté de 1560 et ont longtemps été assimilées à un temple, communément dédié à Minerve ; elles ont été en partie détruites au XVIIIe et au XIXe siècle. En 1880 Camille de La Croix a identifié ces ruines comme des thermes romains ; des fouilles entreprises par la famille Morand dans les dernières décennies du XIXe siècle sont peu documentées. Après le classement de 1904, la Commission des arts a mené d’importantes fouilles en 1906 dont les résultats n’ont pas été publiés, et des opérations d’entretien dans les années 2010, notamment dans le cimetière, ont remis en cause certaines interprétations anciennes.
Trois états de construction sont distingués. Le premier état correspond à une occupation partielle par des habitations ou ateliers, dont subsistent quelques murs. Le deuxième état, repérable par un mur puissant à contreforts délimitant une voie nord‑sud et par une maçonnerie soignée, traduit la présence d’un bâtiment public en périphérie nord de la ville ; plus au sud, une structure avec abside pourrait avoir renforcé un mur de soutènement et supporté un sanctuaire. Le troisième état correspond à la construction des thermes monumentaux, probablement réalisée dans le dernier quart du Ier siècle, avec une phase d’embellissement à la charnière des IIe et IIIe siècles ; l’aqueduc qui alimentait vraisemblablement l’établissement est attribué à la même période. Les thermes sont abandonnés dès l’Antiquité tardive pour des raisons incertaines, puis sont sans doute convertis en sanctuaire paléochrétien et plus tard en église romane dédiée à saint Saloine, ce qui a contribué à leur conservation partielle. En 1885, la famille Morand aménage un tombeau dans le mur oriental d’une des pièces, surmonté d’une statue allégorique du Temps.
Les aménagements postérieurs, notamment la création du cimetière Saint‑Vivien vers 1835 et ses agrandissements jusqu’aux années 1970, empêchent la restitution complète du plan ; les parties nord et ouest sont totalement manquantes. On envisage néanmoins une symétrie selon un axe nord‑sud traversant le caldarium, de sorte que les pièces de la moitié orientale auraient été dupliquées dans la moitié occidentale, à l’instar des thermes de Néron. La maçonnerie est essentiellement composée de moellons en opus vittatum, et l’ensemble du complexe pourrait mesurer environ 80 m du nord au sud.
La palestre occupe la partie nord ; de configuration rectangulaire ou trapézoïdale, elle est bordée au moins à l’est et au sud par un portique à colonnades et pourrait avoir comporté une natatio sur une partie de son emprise. Au sud de la palestre, une salle abritant une abside orientale est interprétée comme le frigidarium, peut‑être pourvu d’un bassin et associé à un fragment de mosaïque retrouvé lors des fouilles. Plus au sud, une salle chauffée, reconnaissable à l’épaisseur de ses murs destinés à soutenir une voûte, est considérée comme le laconicum. La pièce la mieux conservée est un vaste rectangle intérieur d’environ 198,96 m2, dont les parois épaisses et un sol vraisemblablement établi sur hypocauste indiquent qu’il s’agit du caldarium ; il communique directement avec le laconicum. Les murs nord et sud du caldarium présentent, intérieurement et extérieurement, des exèdres ; il comporte très probablement un ou plusieurs bassins centraux et était richement décoré, comme en témoignent des fragments de plaques de marbre coloré. Côté sud, le caldarium était éclairé par une grande baie ou deux plus petites et marque la limite méridionale des thermes.
Les locaux de service assurent le fonctionnement de l’établissement : le laconicum est chauffé par un praefurnium installé contre son mur oriental, et le caldarium paraît chauffé à l’ouest comme à l’est par deux ensembles comprenant chacun un praefurnium et une chambre de chauffe ; la chambre orientale pourrait avoir reçu une citerne surélevée accessible par un escalier. Les thermes étaient très probablement alimentés par l’aqueduc du Douhet, bien que les preuves archéologiques directes fassent défaut ; l’eau devait parvenir depuis le sud, franchir le ravin par un dispositif inconnu pour être répartie dans les chambres de chauffe à partir d’un réservoir. Un système d’évacuation est attesté : un égout long de la palestre au mur méridional collecte les eaux des piscines, les pluies de toits et les caniveaux bordant les portiques, dont l’un est particulièrement bien conservé.
Le mur méridional de soutènement du caldarium présente extérieurement une alternance de trois exèdres arrondies et de deux exèdres quadrangulaires, chacune haute d’environ 2,80 m, large de 2,70 m et profonde de près de 1,40 m ; outre leur fonction de soutènement, ces aménagements pourraient avoir constitué une fontaine monumentale, chaque exèdre recevant un bassin s’étendant sur toute la largeur du dispositif. Cette fontaine aurait été alimentée par le même aqueduc que les thermes ; les exèdres quadrangulaires auraient abrité des tuyauteries en plomb débouchant dans des niches ornées de mascarons, dont le démantèlement expliquerait l’état dégradé, tandis que les exèdres arrondies conservent encore la voûte en cul‑de‑four. Le décor de la fontaine reste inconnu, hormis des fragments de béton rouge au tuileau, et sa situation dominante sur le coteau renforce son caractère monumental.
L’espace environnant montre un decumanus au nord, large de 7 à 10 m, qui séparait les thermes d’un îlot d’habitation et dont l’orientation exacte reste incertaine, et un cardo à l’est probablement bordé de boutiques ou d’ateliers précédés d’un portique sur mur stylobate ; une cellule de ce front bâti pourrait avoir été aménagée en petite fontaine. Au sud, le cardo semble aboutir à un mur de soutènement renforcé par une exèdre dont l’interprétation divise les spécialistes : pour l’un, il supporte un sanctuaire élevé et l’exèdre aurait pu accueillir une statue monumentale, pour d’autres il s’agit de la culée d’un pont permettant au cardo de franchir le ravin et formant alors l’axe principal de la ville. Un édifice en opus mixtum décrit en 1896 comme des latrines pourrait avoir offert trente‑sept places et associer une pierre creusée liée au système de nettoyage de la spongia, mais sa localisation précise dans la ville antique reste incertaine.
Des pans de murs présentant des niches de soutènement, notamment le mur méridional du caldarium, constituent l’essentiel des vestiges conservés et témoignent de l’éventuelle fontaine monumentale. Quelques pierres rappellent l’existence de l’édifice religieux Saint‑Saloine, disparu au XVIIIe siècle, et les fouilles ont mis au jour de nombreux sarcophages antiques et médiévaux autour de l’ancienne église, montrant que le site s’est transformé en nécropole à la fin de l’Antiquité et au haut Moyen Âge.