Origine et histoire de la Tour
La tour de Crest est l'ancien donjon du château médiéval de Crest, dans la Drôme ; elle s'élève à 52 mètres et figure parmi les plus hauts donjons d'Europe, avec celui de Vincennes. La base de la tour remonte à l'époque romaine, au IVe siècle, tandis que le reste de l'édifice a été bâti entre le XIe et le XVe siècle.
En 1120 une lettre du pape Calixte II provient du castrum Cristam, et c'est à la même époque qu'un bourg médiéval se développe au pied de la tour et prend le nom du château, dérivé du latin crista, « crête ». Dès 1145, le « château supérieur » appartient aux évêques de Die. La seigneurie est ensuite partagée entre la famille des Arnaud puis des Poitiers et les évêques, et passe par mariage à la famille de Guillaume de Poitiers.
Pendant la croisade contre les Albigeois, en 1217 Simon de Montfort met le siège devant Crest avant de repartir précipitamment à Toulouse, où il trouvera la mort en 1218 ; Crest constitue alors l'un des points les plus orientaux de ce conflit. Au XIVe siècle le vieux donjon roman est doublé, et une description de 1394 montre une grande tour carrée en pierre de taille avec des aménagements déjà reconnaissables aujourd'hui.
Aux XIIIe et XIVe siècles la seigneurie, divisée entre les Poitiers et les évêques, finit par être réunie sous Aymar VI de Poitiers ; la mort sans héritier de son fils en 1419 transfère Crest au dauphin du Viennois, puis, en 1426, la place devient possession du royaume de France. Du XVIe au XIXe siècle, le site perd ses fonctions militaires pour servir surtout de siège de justice et de prison.
En 1632, sur ordre du roi, le cardinal Richelieu fait démolir la majeure partie du château ; seule subsiste la tour massive qui domine la ville. Les galeries supérieures, initialement défensives, sont transformées en cellules : jusqu'en 1873 s'y succèdent protestants après la révocation de l'édit de Nantes, libertins, républicains, détenus de droit commun et opposants au Second Empire, laissant des centaines de graffitis sur les murs et valant à la tour le surnom de « Bastille du Sud ». Classée monument historique le 6 juin 1877, la tour appartient depuis 1988 à la ville de Crest et est ouverte aux visiteurs.
Les graffitis, témoignages directs des détenus, ont fait l'objet de plusieurs expositions ; parmi eux se distingue une gravure représentant la figure dite d'Artagnan, et ces marques contribuent encore à la réputation de lieu de répression.
La tour occupe la partie nord-est de l'ancien château, dont subsistent la base des remparts et les glacis. La division médiévale de la seigneurie avait donné naissance à un « château supérieur », relevant des Arnaud puis des évêques de Die, et à un « château inférieur » dépendant du comte de Valentinois ; la réunion des parts se traduit par la disparition de certains bâtiments au profit d'agrandissements de la tour comtale. La « tour vieille », du XIIe siècle, est un donjon pentagonal protégé par un mur-bouclier édifié avant 1332, et des renforcements défensifs et aménagements résidentiels datent des XIIIe et XIVe siècles.
Aujourd'hui, l'édifice principal est une tour quadrangulaire de quatre niveaux, couverte d'un toit à deux pentes inversées qui recueillait les eaux de pluie pour les conduire, par un conduit vertical, vers une citerne à la base ; la terrasse originelle est devenue la salle supérieure, puis a été recouverte d'un toit en tuiles. Ce corps principal est flanqué d'une tour plus haute, de plan quadrangulaire irrégulier proche du triangulaire, dont le petit côté coïncide avec le « mur-bouclier » au nord-est.
La tour de Crest a donné lieu à des répliques et des reconstitutions ludiques : plusieurs scènes historiques liées au donjon ont été reconstituées avec des jouets Playmobil, notamment la venue du pape Calixte II en 1119, la signature de la Charte des libertés en 1188, le siège de Crest par le duc de Lesdiguières en 1577, la tentative d'évasion de Philippe Rivoire en 1759 et la révolte de décembre 1851. En octobre 2024 une réplique réalisée avec 4 000 planchettes Kapla, haute d'1,10 mètre, a été exposée au rez-de-chaussée du monument.