Origine et histoire de la Tour de la Lanterne
La Lanterne de Rochecorbon est l’unique vestige d’une forteresse médiévale implantée sur un éperon rocheux dominant la Loire, dans la commune de Rochecorbon (Indre-et-Loire), et classée monument historique sur la liste de 1840. L’ouvrage se compose d’un pan de muraille auquel s’appuie une tour creuse dont la façade prolonge la première assise rocheuse du coteau. La forteresse occupait l’extrémité d’un éperon limité au sud par la vallée de la Loire et à l’est par le vallon d’un petit affluent, et la partie la plus ancienne du village se situe dans cette vallée et le long de la Loire. Le site, naturellement facile à défendre, a très vraisemblablement accueilli une motte castrale avant la construction du château en pierre ; il n’en subsiste aucun vestige et certains historiens attribuent, sans preuve, sa réalisation à l’évêque Hardouin. Thibaud des Roches entreprit en 1093 l’édification d’une forteresse de pierre après en avoir obtenu l’autorisation du comte d’Anjou, mais Foulques IV d’Anjou s’en empara vers 1100 avant son achèvement. Après la paix conclue avec la maison d’Anjou en 1133, Robert de Brenne reprit les travaux : une enceinte maçonnée remplaça la palissade et une chapelle fut construite dans la cour en 1157, puis Geoffroy de Brenne, à partir de 1214, agrandit les bâtiments et compléta l’enceinte. Le château passa ensuite à la famille de Mézières par remariage, connut des restaurations au début de la guerre de Cent Ans, fut brièvement occupé par des Anglo-Gascons en 1424 puis évacué en 1427 contre rançon payée par la ville de Tours. La paix ultérieure fut néfaste au site : Geoffroy de Maillé, qui s’était endetté pour des travaux, délaissa le château en 1475 et ses héritiers laissèrent progressivement l’édifice se dégrader. Vendu comme bien national en 1789 alors qu’il n’était déjà plus qu’une ruine, le domaine intéressa davantage pour ses vignes que pour ses pierres ; une peinture de 1797 montre la lanterne au milieu de murs effondrés. La tour elle-même subsiste couronnée de créneaux et s’appuie à l’angle sud‑ouest de l’enceinte ; son attribution chronologique reste débattue, certains la datant de la fin du XIe siècle tandis que d’autres, observant le style de son couronnement, la rattachent au XVe siècle ou y voient une importante restauration. Aucune étude définitive ne tranche cette question et les sources signalent des hauteurs différentes selon les descriptions. Bien qu’il s’agisse d’un édifice privé non ouvert au public, la lanterne est fréquemment accessible lors des Journées européennes du patrimoine. Au XXIe siècle son avenir est menacé : construite à l’origine en retrait du bord du coteau, elle se rapproche progressivement du vide à la suite d’effondrements du tuffeau, roche poreuse qui éclate sous le gel, et le coteau qui la porte est creusé de cavités naturelles et artificielles ; malgré des opérations de surveillance et de consolidation, on craint qu’un dernier éboulement ne l’entraîne. Sa situation isolée au bord du coteau a alimenté des traditions locales : on raconte la légende du chevalier Robert de Brenne qui, après avoir abattu un aigle, fit élever une tour fanal à l’endroit où la flèche tomba, et d’autres traditions présentent la lanterne comme un phare guidant la navigation sur la Loire ou comme une lanterne des morts ; aucune de ces attributions n’est toutefois confirmée par des sources écrites.