Origine et histoire de la Tour de Moricq
La tour de Moricq est un vestige de fortifications médiévales situé près du bourg de Moricq, sur la commune d’Angles en Vendée, classé au titre des monuments historiques le 6 août 1915. L’existence de fortifications y est attestée dès 1090, avec la mention de Giraudus de Morech, premier seigneur connu. Une motte castrale se trouve à environ 250 mètres de la tour actuelle ; ses restes arasés forment un pré ovale près du canal des Bourrasses. Un château fort en pierres paraît avoir existé dès le XIIe siècle ; les voûtes romanes du sous-sol de la tour laissent penser que les fondations sont antérieures au bâtiment visible aujourd’hui et que le donjon primitif était peut‑être de plan cylindrique. Le bâtiment actuel a été reconstruit vers 1435 par Régnault Girard, qui avait acquis le domaine en 1430.
La tour a été édifiée sur la motte et sur les ruines du château originel ; des bâtiments annexes tels que des écuries et une chapelle sont mentionnés, et des restes d’écurie auraient été retrouvés derrière la tour. La chapelle, figurant sur une carte de Cassini, correspond probablement à celle du XVIIIe siècle dédiée à sainte Anne, édifiée à la demande de Madame de La Taste ; ses fondations n’ont pas été retrouvées mais elles peuvent subsister enfouies et abriter des sépultures de seigneurs de Moricq, peut‑être même celle de Régnault Girard. Sur le plan archéologique, l’existence préalable d’un château fort en pierre est fortement probable en raison du caractère stratégique du site, sans qu’il soit certain qu’il ait occupé exactement l’emplacement de la tour actuelle ; il est plausible qu’un château plus ancien ait été implanté un peu plus haut dans le bourg.
La configuration et l’implantation du site ont pu évoluer au XVe siècle, la réimplantation éventuelle vers un emplacement plus bas offrant une meilleure vue sur le marais et permettant d’exploiter des défenses fondées sur des douves largement alimentées par le marais plutôt que sur une grande élévation. La tour avait pour fonction de protéger le port de Moricq, qui exportait vin, céréales et bois vers La Rochelle et Bordeaux, et l’embouchure du Lay, alors navigable jusqu’à Mareuil ; un autre château au Guy, à Saint‑Denis‑du‑Payré, complétait la surveillance de l’embouchure. La tour a été utilisée par les protestants pendant les guerres de Religion et a servi à emprisonner des protestants après la révocation de l’édit de Nantes ; des graffitis conservés témoignent de ces périodes. Lors du siège de La Rochelle en 1628, la grosse tour d’angle abritant un escalier à vis aurait été abattue.
Le lieu‑dit du Moulin‑de‑Moricq évoque des moulins à vent ayant profité du point culminant du bourg. Les marais voisins ont été asséchés au XVIIIe siècle et la tour a alors été transformée en grenier à blé en lien avec l’activité du port, qui est restée active jusqu’au XIXe siècle. La commune d’Angles a acquis l’édifice en 1988 afin d’en assurer la sauvegarde et la restauration.
Architecturalement, la tour est le donjon d’un château reconstruit au XVe siècle ; il est probable que des courtines et des tours rondes existaient jadis autour des fossés qui entourent aujourd’hui le terrain de forme triangulaire, mais cela reste hypothétique. La forteresse du XVe siècle semble s’être réduite à ce château‑donjon, entouré d’un large et profond fossé et peut‑être d’une enceinte extérieure en bois protégeant des communs comme des écuries, une boulangerie ou une forge. Le donjon est de plan rectangulaire avec des dimensions proches — 11,40 m de large, 14,40 m de long et 15,40 m de haut — et était à l’origine flanqué d’une tour cylindrique de 6,70 m de diamètre abritant un escalier à vis, qui permettait des tirs depuis des mâchicoulis pour défendre la porte. Le chemin de ronde sur mâchicoulis est pourvu, aux angles est, sud et ouest, d’échauguettes circulaires en encorbellement associées à des latrines ; l’ensemble était protégé par des fossés dont l’accès se faisait par une porte en chicane et un pont‑levis piétonnier doublé d’un pont dormant, le niveau de l’eau étant deux mètres en dessous du niveau du sol et le fossé alimenté par le Lay. Il est difficile de restituer avec certitude les sommets de la tour, mais deux reconstitutions principales ont été proposées par Christian Corvoisier et Jacques Gorphe. À l’intérieur se trouvent des caves, des cheminées gothiques, une bretèche comportant une archère et un trou de latrines, ainsi que des graffiti, dont l’un dit « trésor ».