Origine et histoire de la Tour des Comtes de Genève
Le château de La Roche, dit castrum de Rupe ou château des princes de Genevois, est un ancien château fort du XIIIe siècle dont il ne subsiste qu'une tour, dite des comtes de Genève, à La Roche-sur-Foron (Haute-Savoie). Le donjon seul est inscrit aux monuments historiques par arrêté du 24 janvier 1944.
Le site occupe le sommet d'un rocher dominant le bourg médiéval à l'est et contrôlait l'accès à la vallée du Foron; ce rocher, sur le contrefort nord du massif des Bornes, a donné son nom à la ville.
Le site paraît avoir été occupé très tôt, probablement dès la préhistoire, et certaines traditions attribuent aux Burgondes la construction d'une fortification au Xe siècle, leur présence locale étant attestée du Ve au VIIe siècle. Les premières mentions écrites remontent toutefois au début du XIIe siècle, avec l’apparition du site sous le terme de castra en 1120.
Le château a donné son nom à la famille seigneuriale de La Roche; un Pierre de La Roche est cité au début du XIIe siècle. Les comtes de Genève y résidaient régulièrement avant d'établir leur résidence principale à Annecy. La gestion était confiée à un vidomne qui prit le titre de grand-châtelain de La Roche et était généralement choisi parmi les premiers gentilshommes de la province.
En 1178, les comtes de Genève firent hommage à l'abbé d'Agaune pour plusieurs châteaux, dont La Roche, acte interprété comme le signe d'un vidomnat lié à l'abbaye et d'un ancien fisc royal cédé à celle-ci. À la fin du XIIe siècle, un conflit opposa le comte à une partie de ses vassaux; lors d'un siège la comtesse Béatrice de Faucigny et deux de ses fils, réfugiés à La Roche, furent assiégés avant que le comte ne reprenne la place, aidé financièrement par les chartreux de Pomier.
Au XIIIe siècle, le château fut de nouveau assiégé : le comte Pierre II de Savoie y investit Rodolphe de Genève, qui dut capituler. Les comtes de Genève conservèrent la place jusqu'à Pierre de Genève, qui la légua à sa femme Marguerite de Joinville dans un testament daté du 24 mars 1392; en 1411 elle appartenait au comte de Savoie Amédée VIII.
Pendant la guerre opposant le duc de Savoie à Genève et au roi de France (1589–1593), La Roche fut assiégée et ravagée ; l'intrusion des Genevois durant la nuit du 29 mars 1590 entraîna la destruction de la forteresse. Dans son testament du 6 octobre 1675, Marie, dernière héritière des Genève-Lullin, légua ses droits et possessions, dont le château de La Roche, à la duchesse Christine de France; ces fiefs furent ensuite inféodés et érigés en marquisat par Victor-Amédée II en 1682 au profit de Thomas Granery.
Le donjon, dont la construction remonterait au deuxième quart du XIIIe siècle, est l'une des premières tours circulaires de Savoie, une forme qui améliore la défense en supprimant les angles morts. Bâtie sur la faille naturelle d'un imposant bloc erratique transporté par le glacier du Mont-Blanc, la tour repose sur un rocher qui aurait été posé à la fonte des glaces il y a environ 10 000 ans. Les constructeurs ont maçonné la faille en façade et l'ont aménagée intérieurement en quatre caves superposées; le donjon comportait trois étages au‑dessus du rocher. Des travaux réalisés à la fin du XIXe siècle par les moines capucins ont percé le rocher, donnant l'illusion de deux blocs alors qu'il s'agit d'un seul.
Du château médiéval subsistent quelques pans de murs ; le rocher mesure 17 mètres de haut et la tour atteint aujourd'hui 11 mètres, alors qu'elle en mesurait probablement une vingtaine à l'origine, ses murs atteignant près de 4 mètres d'épaisseur. Un logis fut accolé à la tour, formant un ensemble qualifié de donjon sans modifier l'accès, resté en hauteur, et la forteresse reçut un mur-bouclier protégeant l'enceinte, formant un angle de 140 degrés.
La seigneurie formait le centre d'une châtellenie comtale relevant du comte de Genève; le châtelain, officier révoquable nommé pour gérer le mandement, percevoir les revenus et entretenir le château, pouvait être assisté d'un receveur des comptes. Le vidome, puis le grand-châtelain, administraient la châtellenie de La Roche et la mestralie des Bornes; plusieurs grandes familles genevoises, notamment les Menthon et les Compois (Compey), et une longue succession d'officiers et de vice-châtelains sont attestées par les comptes et inventaires conservés pour les XIVe–XVIe siècles.