Origine et histoire de la Tour du Bourreau
La tour du Bourreau, dite aussi tour de Corhaut, est la seule tour subsistante de l’enceinte médiévale de Lectoure; son nom populaire vient du fait qu’elle servit de résidence au bourreau, tandis que « Corhaut » rappelle son emplacement dans le quartier et près d’une porte du même nom. Elle se trouve à l’angle nord‑est, sur le promontoire le plus exposé de la ville, là où les principales défenses étaient concentrées : bastions, barbacane et porte protégeaient l’accès est du plateau. Des remparts, il ne subsiste au nord que la base ; à la jonction des remparts est la tour barrait le promontoire et s’ouvrait vers la ville. À la base du rempart nord sont visibles des blocs de remploi issus du premier rempart du Bas‑Empire, dont l’un porte en son centre un trou de louve.
La base de l’ouvrage peut remonter au XIe siècle, mais les défenses supérieures datent probablement du XIVe siècle et l’emploi de deux appareils différents est encore apparent sur la maçonnerie. Dans l’état actuel, la tour doit beaucoup à une reconstruction de 1537 qui a repris une tour plus ancienne dont les fondations restent visibles à l’intérieur, tandis que la partie haute, formée de pans rectilignes constituant un polygone irrégulier et reposant sur des encorbellements à boudins, correspond à des aménagements de 1592, attestés par une pierre gravée côté est portant l’inscription REGN.H o 4 / FEVRIER / 1592. Henri IV, qui surveillait les travaux des fortifications, passa fréquemment à Lectoure ; cette pierre est la seule demeurée parmi les huit que l’on a relevées sur les remparts.
La tour, construite en gros moellons de calcaire local et aujourd’hui couverte d’un toit de tuiles, présente un léger encorbellement qui devait soutenir un dispositif défensif ; des meurtrières, probablement pour armes à feu, datent des aménagements de 1547. Dans le sous‑sol, une salle protégée par une meurtrière donnait sans doute accès à des souterrains. L’intérieur de la tour est en grande partie comblé de terre ; plus tard on y ouvrit des fenêtres lorsqu’elle servit de corps de garde, puis de logement. Une poterne en plein cintre s’ouvre vers l’ouest, sur l’ancien chemin de ronde aujourd’hui boulevard du Nord ; une meurtrière l’accompagne.
Unique tour épargnée lors de la destruction des fortifications, elle perdit son couronnement primitif et fut transformée en habitation, accolée à des constructions annexes aujourd’hui supprimées, et partiellement adjointe d’une maison neuve en 1967. La tour fut vendue à un particulier par la ville le 25 avril 1869 et appartient depuis à des propriétaires privés. Inscrite au titre des Monuments historiques en 1947, elle est désormais signalée sous le nom de tour de Corhaut, dite Tour du Bourreau.
Le dernier bourreau connu à y avoir résidé est Jean Rascat, né en 1759 à Nègrepelisse, qui fut exécuteur de justice de Lectoure de 1780 à 1784; il exerça ensuite diverses fonctions d’exécuteur et d’aide‑bourreau dans plusieurs villes, connut des démêlés — deux jours au pilori puis deux ans de prison après avoir facilité l’évasion de deux femmes — et mourut le 7 décembre 1846 à Périgueux. Jean Rascat est le seul nom d’exécuteur conservé pour la sénéchaussée d’Armagnac, mais d’autres exécuteurs y sont attestés dès 1735.