Origine et histoire de la Tour du Breuil
La Tour du Breuil, à Dignac (Charente), se dresse à l'extrémité d'un relief dominant les sources et la haute vallée boisée de l'Échelle, affluent de la Touvre. La datation de la tour est discutée : certains la situent à la fin du XIVe ou au début du XVe siècle et l'envisagent comme une construction anglaise postérieure au traité de Brétigny, éventuellement édifiée entre 1360 et 1372, tandis qu'un examen du type de construction a conduit d'autres auteurs à proposer une datation au XVIIe siècle. Le donjon est une forte tour carrée, entourée originellement de douves et accessible par un pont-levis ; ses murs sont en pierre de taille, épais d'environ 1,80 m à la base, et la tour mesure approximativement 12 m sur 9 m pour une hauteur de 20 m. Les mâchicoulis sont intacts et le parapet est percé de créneaux ; on remarque également les trous de barreaux autour de fenêtres modifiées. Le chemin de ronde a été remanié au XVIIe siècle — haut mur orné extérieurement de coquilles, dallage, fenêtres et archères — et il est endommagé sur le côté est. À l'intérieur, les salles et l'escalier primitif ont en grande partie disparu, mais une partie de l'escalier en spirale d'une ancienne tour hexagonale subsiste et conduit de la cuisine à une cave voûtée ; une porte d'entrée sculptée du XVe siècle a été déplacée. L'ensemble se compose d'un logis primitif sur la face nord, protégé par la tour et ponctué de tourelles, et de bâtiments disposés autour d'une cour rectangulaire ; ces bâtiments, en partie plus récents, présentent encore des murs d'un bel appareillage et des éléments défensifs tels qu'une meurtrière. Un bâtiment moderne accolé au sud date du XIXe siècle, tandis que le premier étage et le hall reliant ces constructions à la tour datent de 1920 ; l'épaisseur d'un mur de 1,20 m entre ces corps de bâtiment montre l'ancien tracé de l'enceinte. La petite chapelle, fortement endommagée et déjà désaffectée avant la Révolution, conserve des restes de fresques attribuées au début du XVe siècle ou peut-être au XIVe ; on y reconnaît notamment des scènes d'adoubement avec un évêque et un ange gardien, saint Christophe, saint Michel, sainte Barbe, un roi couronné tenant un sceptre fleurdelisé et une figure équestre. Les bâtiments de la tour ont été remaniés au XIXe siècle. Le logis noble et la seigneurie appartenaient anciennement à la famille des Raymond ; Roger de Raymond, au XVIIe siècle, est impliqué dans l'assassinat de Jean Arnaud, acquéreur du Breuil et du Pouyaud. Par la suite, le fief passa entre plusieurs familles : Arnauld de Boueix céda le Breuil à Arnauld de Ronsenac, puis, par héritage, il revint à François de La Laurencie qui vendit le domaine le 22 avril 1774 à Jean Le Roy de Lenchères pour 63 000 livres. Jean Le Roy, chevalier et brigadier des armées du roi, fut gouverneur de Corte et mourut maréchal des camps et armées ; une tradition familiale rapporte qu'il aurait fait emprisonner un certain M. de Bonaparte, identifié comme le père de Napoléon. La seigneurie resta aux Le Roy de Lenchères et à leurs alliés, puis passa par mariage aux des Roches de Chassay, aux Laferrière et, par héritage, à la famille de Villemandy de La Mesnière ; le domaine est ainsi resté dans la même famille, par les femmes, depuis plus de deux siècles. Le donjon et la chapelle sont inscrits à l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques par arrêté du 23 décembre 1964. Il est évident que l'ensemble avait à l'origine un caractère militaire de surveillance et de défense, malgré les remaniements successifs.